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A la rencontre du Professeur Mathieu Touzeil-Divina, fondateur du Laboratoire Méditerranéen de Droit Public

Le Décodé : Professeur, tout d'abord, merci à vous de nous accorder cette entrevue en avant-première ! Pour nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

 

Professeur Touzeil-Divina : Bonjour ! Tout d'abord merci à vous pour l'intérêt que vous portez au Laboratoire Méditerranéen ! Je suis professeur des universités en droit public à l'Université Toulouse Capitole depuis deux ans. Avant cela, j'ai débuté en tant que maître de conférences à Nanterre puis en tant que professeur des universités pendant cinq ans à l'Université du Maine au Mans.

 

 

Le Décodé : Le 21 octobre 2017, le Laboratoire Méditerranéen de Droit Public va fêter son premier anniversaire en tant qu'association bien que celui-ci soit plus vieux. Comment ce laboratoire a vu le jour ?

 

Professeur Touzeil-Divina : En effet, l'association LM-DP est toute jeune mais elle repose sur un réseau créé en mars 2012 à l'Institut de France, au sein de l’académie des sciences morales et politiques. Ce dernier a vu le jour afin de rassembler des juristes, essentiellement publicistes mais pas uniquement, de toutes les rives de la Méditerranée. On s'était rendu compte que beaucoup de choses étaient faites sur des zones géographiques plus petites comme l'Europe, le Maghreb, le Machrek. Or l'idée était de réunir toute la zone méditerranéenne car nous considérions qu'une telle vision, avec tous les acteurs de cette zone, serait pertinente autant géographiquement que géopolitiquement, et juridiquement aussi, ce que nous souhaitons mettre en avant.

 

 

Le Décodé : Au mois d'octobre, vous serez à Athènes pour le second colloque international du LM-DP concernant les services publics. Comment va-t-il se dérouler et y a-t-il une continuité avec le premier colloque ?

 

Professeur Touzeil-Divina : Le second colloque n'est pas notre deuxième manifestation bien qu'il soit le deuxième événement cité ainsi. Nous avons déjà organisé plusieurs colloques plus humbles dont les travaux ont été publiés. Cependant, il est vrai que, tous les deux et trois ans, nous essayons d'organiser un colloque international avec un maximum de pays pouvant représenter les acteurs méditerranéens. A noter que celui-ci regroupe des chercheurs avec douze nationalités différentes ! Le premier avait été relatif à une question qui nous est apparue comme fondamentale : existe-t-il un droit public méditerranéen ? Evidemment en tant que laboratoire méditerranéen de droit public, cette problématique était inévitable ! Bien que celle-ci touche davantage au droit constitutionnel, on a voulu aller sur une question de droit administratif plus pur. Ainsi, nous nous sommes intéressés aux services publics en méditerranée.

 

 

Le Décodé : Sur votre site, vous présentez votre démarche méthodologique de droit comparé comme plus aboutie, notamment en vous appuyant sur une analyse plus étendue sur les divergences et les limites des autres droits. Le Laboratoire est-il le seul à travailler ainsi ou d'autres laboratoires dans le monde le font également ?

 

Professeur Touzeil-Divina : Evidemment, il existe d'autres laboratoires de recherche s'intéressant au droit comparé, or ces groupes le font davantage pour le droit privé que pour le droit public, généralement plus pour une partie de la région et pas la totalité de l'aire méditerranéenne, et puis en effet, concernant la méthodologie il y a des divergences. On s'est rendu compte que souvent le droit comparé n'était pas forcément abouti. Malheureusement il se réduit souvent à une succession d'études de droits étrangers en pointant ce qu'il se passe dans un pays ou bien dans un autre – ce n'est pas vraiment du droit comparé et le laboratoire s'emploie à éviter cet écueil. De même, nous sommes persuadés que l'observateur, dans sa comparaison, sera nécessairement influencé par son éducation, ses modèles et ses connaissances en droit. Par exemple, dans une comparaison entre la France et le Maroc, on ne va peut-être pas obtenir le même raisonnement ni les mêmes conclusions si l'observateur est marocain ou français, bien qu'il s'agisse de la même comparaison.

De cette idée nous est venue la volonté de tenter une comparaison des comparaisons. Concrètement, l'étude pourrait être la suivante : tout d'abord, il y aurait une première équipe, française, qui comparerait, par exemple le droit des services publics en France, en Espagne et au Liban, une deuxième équipe espagnole et une troisième libanaise effectueraient le même travail. Parallèlement, leur objet d'étude serait le même. Puis, une quatrième équipe collecterait les travaux des trois équipes et comparerait les comparaisons afin de révéler les nuances. Cette méthodologie, nous ne pourrons la mettre en œuvre que lorsque nous saurons la consistance des droits publics méditerranéens. Or, pour un certain nombre de pays, nous ignorons encore les grands principes de ces pays. Le premier objectif du LM-DP réside ici, c'est avant tout un outil de connaissance et d'échange.

 

 

Le Décodé : Toujours sur votre site, l'esprit du LM-DP s'inscrit plus dans une volonté d'harmonisation que d'universalisation d'un droit public méditerranéen. Sur quelles problématiques (environnementales, humanitaires, etc.) cette vision serait décisive ?

 

Professeur Touzeil-Divina : À choisir entre l'un et l'autre, le laboratoire serait plus porté vers l'harmonisation. Pourtant, notre premier objectif est simplement d'établir un état des lieux, à aucun moment, nous nous sommes donnés comme objectif final d'arriver à un droit unique. Il ne s'agit pas de dire « nous voulons des principes communs » mais « est-ce qu'il y a des principes communs ? ». Dès lors, nous ne cherchons pas à harmoniser mais plus à découvrir ces principes et ces droits publics méditerranéens – nous nous inscrivons dans l'étude. À terme, peut-être que nous arriverons à un traité de droit public méditerranéen dans trente ou quarante ans, ce qui est l'objectif !

 

 

Le Décodé : À ce propos, que pensez-vous de « l'Union Pour la Méditerranée » inspirée par Jacques Chirac et mise en fonction par Nicolas Sarkozy ? Cette organisation reflète cette idée d'harmonisation sur certains domaines (développement durable) ?

 

Professeur Touzeil-Divina : C'est une très belle initiative qui avait été faite autrefois mais qui malheureusement a été empêchée par deux raisons selon moi. La première est politique, ce projet a vraiment été porté par Nicolas Sarkozy et conséquemment, dans les années suivantes, il fut tellement marqué par l'ancien président qu'il a été peu suivi alors que c'était un beau projet. Si la volonté politique des acteurs n'est pas réunie, nécessairement il n'y aura pas d'avancées.

La deuxième est que le projet est trop eurocentré. Alors qu'elle est très influencée et portée par l'Union européenne, on a l'impression que cette « Union Pour la Méditerranée » met en avant les questions euro-méditerranéennes, ce qui n'est pas une question méditerranéenne. Ces questions laissent à penser qu'il y a au préalable un rapport entre l'U.E. qui serait valorisée, et la méditerranée en sous-entendant le Maghreb et le Machrek. Or géographiquement seulement, il y a aussi des pays européens en Méditerranée, donc soit on est pleinement méditerranéen et dans ce cas la formule (UPM) est parfaite, soit on est euro-méditerranéen mais cela traduit quelque chose qui politiquement me dérange... bien que je serais ravi que l'U.E. soutienne nos projets !

 

 

 Le Décodé : Enfin, quels seront les prochains travaux du laboratoire pour l'avenir ?

 

Professeur Touzeil-Divina : Le premier projet sera le colloque d'Athènes qui arrivera très prochainement comme vous l'avez mentionné. En outre, nous avons pour ambition de publier en octobre également les études d'une cellule athénienne de l'équipe grecque ainsi que d'une cellule toulousaine de l'équipe française dans la revue méditerranéenne que nous avons fondée. Et puis nous allons aussi travailler sur les chemins de Compostelle, pour regarder les répercussions en droit et d'éventuelles comparaisons. Enfin, nous avons pour objectif de mettre à jour des éléments de bibliographie de droit public méditerranéen, dont une première édition était sortie et qui sera réactualisée et enrichie !
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