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De l'histoire passée et future d'Internet, ou de la place changeante des universités dans le processus

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L'informatique et le numérique, en général, ne sont pas l'apanage du grand public. Si aujourd'hui tout un chacun dispose vraisemblablement d'un smartphone, d'une tablette, d'un ordinateur ou d'une combinaison de ces trois éléments dans une vaste partie du monde, ce n'est pas pour nous - grand public - et nos usages que ces technologies ont été initialement développées.

Ce qui aujourd’hui nous semble anodin, comme passer un coup de fil ou consulter une page web, n’est possible que parce que ces technologies ont eu un impact à un moment ou un autre dans l’histoire de la Guerre ou de la recherche scientifique.

 

Le premier ordinateur - au moins dans sa façon de fonctionner - remonte à la Seconde Guerre Mondiale avec les « bombes de Turing » qui, contrairement à ce que leur nom peut laisser penser, ne sont pas des engins explosifs. Il s’agit ni plus ni moins de machines créées par l’anglais Alan Turing qui sont capables d’effectuer un très grand nombre d’opérations en un laps de temps très court et qui ont permis ainsi de cracker Enigma, ce code employé par les Nazis. Hé oui, aujourd’hui un ordinateur c’est (en partie) ça : un processeur qui effectue des millions d’opérations mathématiques à la seconde afin, par exemple, d’afficher une vidéo sur votre écran. C’est donc grâce à la guerre contre les nazis que vous pouvez voir des vidéos de petits chatons sur votre ordinateur.

 

Mais si vous pouvez visionner cette vidéo sur Youtube, c’est aussi grâce à une autre avancée technologique majeure dans l’histoire de la Guerre et de la Science : Internet. Effectivement, s’il est communément admis qu’Internet est apparu dans les années 1990, c’est en grande partie faux. Les prémices d’Internet remontent au début des années 1960, quand l’armée américaine débute ses recherches sur la mise en réseau d’ordinateurs, qui deviendront par la suite l’Arpanet, le grand frère d’Internet.

 

À la suite de la création de cet Arpanet, les universités américaines vont commencer à travailler autour, vont réfléchir à comment relier des ordinateurs entre eux, et surtout comment les faire communiquer via le réseau. On retrouvera, par exemple, les travaux de Leonard Kleinrock, brillant étudiant du MIT, sur la communication par transfert de paquets au milieu des année 1960. Ce n’est que quelques années plus tard qu’un groupe d’étudiant va se former - le Network Working Group - et utiliser les recherches de Kleinrock afin de connecter les premiers ordinateurs de quatre universités américaines sur le réseau. Ce Network Working Group, ces quelques jeunes étudiants de différentes universités réunis autour d’une passion commune n’ont, après tout, qu’imaginé et mis en place les différents protocoles qui permettent aujourd’hui encore de faire fonctionner tout Internet. Pas mal pour des jeunes pas encore diplômés !

 

Mais l’histoire balbutiante de ces drôles de machines et de leur interconnexion sur un réseau utilisé par l’armée et les universités américaines ne fait que commencer. Cette technologie et ces usages vont se démocratiser petit à petit grâce au travail acharné de quelques passionnés et chercheurs. On peut  par exemple parler de l’instant où l’Europe rejoint ce réseau avec l’Angleterre et la Norvège qui vont chacune connecter un unique ordinateur à Internet. Mais si les technologies s’améliorent de plus en plus vite, on est encore bien loin d’avoir assez de puissance pour faire tourner un Candy Crush. Rendez-vous compte, des ingénieurs de chez Google ont mesuré que la puissance nécessaire à une simple recherche sur leur moteur de recherche déploie « autant » de puissance que les ordinateurs de la NASA dans les années 1960. Qui ont envoyé des hommes sur la Lune. Et lancé presque 20 missions spatiales.

 

Mais si la puissance n’était pas totalement présente, des usages particuliers commençaient déjà à pointer le bout de leur nez. Si on a vu que des étudiants avaient créé les bases même du fonctionnement d’Internet, la relève ne se fait pas attendre. Quelques années après, une poignée d’entre eux issus de l’université de Caroline du Nord ont créé des NewsGroups sorte de forum de discussion en ligne permettant l’échange d’articles. N’importe qui peut écrire un article et le partager avec un groupe, groupe qui viendra alimenter à son tour de nouveaux articles. Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Les blogs peut-être ? Ou bien les forums de discussion ? Allé, soyons fous. Facebook ?

 

Oui, Facebook n’est pas le premier gros succès de plate-forme de partage d’articles auprès de différents groupes, d’amis ou d’inconnus. Mais là où Facebook a fait fort, c’est que son créateur, Mark Zuckerberg, savait dès le départ que ce qui allait rendre son site indispensable, c’est la face narcissique des utilisateurs. C’est le passage d’une époque où on produit du contenu pour les autres (avec les forums et NewsGroups entre autre) à une époque où on produit du contenu sur nous ; et au passage c’est nous qui devenons le produit. Nous ne devenons plus le centre d’intérêt pour ce que nous faisons, ce que nous écrivons, mais pour ce que nous sommes. Pour preuve, le réseau social était initialement réservé aux seuls étudiants de Harvard, avant de s’élargir aux universités de Stanford, Columbia et Yale, sûrement dans le but de regrouper les membres des plus grandes universités comme un réseau d’étudiants, futures personnalités notables. Mais très vite le succès est au rendez-vous et se propage comme une trainée de poudre partout dans le monde.

Et si l’aspect réseau étudiant a vite été remplacé par des usages moins glorieux (oui, toi qui lis cet article et qui a posté des photos façon duckface ou qui a participé à différents « challenges », c’est bien de toi dont je parle), Facebook est malgré tout parvenu à percer dans le milieu universitaire, et a permis de changer l’approche que l’on peut avoir des cours, de leur partage, mais aussi de l’entraide étudiante en général.

 

Il semblerait que les étudiants aient eu plus de facilité à s’approprier les changements liés à la révolution numérique. En effet, ces derniers ont réussis à développer de réels groupes collaboratifs prenant place essentiellement sur les réseaux sociaux. Réseaux sociaux qui ont permis de développer ces plateformes de solidarité étudiante au travers du partage de cours ou d’entraide au moment des examens.

 

Véritables lieux d’information et d’expression, les technologies de la communication ont vite été adoptées par les étudiants pour régler leurs problèmes liés à leur quotidien, dépassant même les préoccupations liées aux enseignements, comme ce peut-être le cas avec les bourses ou l’accès aux logements. Signe de leur totale appropriation du numérique, les réseaux sociaux ont été érigés comme place forte de la diffusion de la «  culture étudiante » avec des pages Facebook comme le fameux «  Bordel de droit »  et à échelle plus locale «  p'UT1 de droit » en ce qui concerne cette matière.  Ces groupes permettent ainsi aux étudiants de se soutenir mutuellement mais aussi de pouvoir partager leurs expériences communes, de l’attente désespérée des bourses scolaires, aux galères de l’inscription et des révisions de dernière minute. Sans oublier d’organiser des soirées, évidemment.

 

Internet a contribué à d’importantes modifications au sein des enseignements et de la pédagogie universitaire, mais également au sein des réseaux étudiants. L’entrée des TICS (techniques de l’information et de la communication) dans le monde universitaire a participé dans un premier temps à l’enrichissement de la relation enseignants/étudiant. Si les enseignants ont depuis longtemps déjà essayé de descendre de leur estrade professorale et de rendre l’image du savoir plus accessible, le développement  des outils numériques  à la faculté ont grandement encouragé l’évolution des relations pédagogiques  en ce sens.

 

Grâce aux nouveaux moyens de communication offerts par le numérique (mail, plateformes ENT etc.) les étudiants ont pu expérimenter une plus grande proximité relationnelle avec leurs enseignants, bénéficiant alors d’un rapport plus personnalisé avec le savoir. Les techniques d’apprentissage  elles-mêmes ont étaient modifiées par l’arrivée d’Internet, permettant ainsi de rompre avec un modèle éducatif et pédagogique traditionnel, en diversifiant les ressources d’apprentissage. Les TICS permettent, en effet, de mettre à disposition des élèves divers documents et sources aidant à l’apprentissage, mais également la possibilité d’organiser des groupes de travail collaboratif, d’introduire des espaces d’échanges et de discussions au travers de divers supports (visioconférence, forum de discussion etc…).

 

Malgré cela, si la France peut se targuer de faire partie des meilleurs pays dans la recherche et la technologie dans certains domaines comme l’aéronautique ou l’aérospatial, si elle peut se flatter d’avoir des villes dynamiques qui peuvent prétendre au titre de Silicon Valley européenne comme Toulouse, elle est néanmoins gouvernée par des hommes politiques de l’ancienne garde - du moins jusqu’à très récemment -.

Le problème est posé et c’est en partie à cause de cette sagesse vieillissante que la France a raté le tournant numérique sur beaucoup de domaines dont – entre autre – celui de l’éducation.

 

En France les enseignants ne sont pas vraiment formés à l’utilisation des outils numériques mis à leur disposition comme ces fameux TICS, et les élèves ne connaissent généralement que l’aspect ludique du numérique (mais si, rappelez vous, cette vidéo de chatons ou les longues séances de Candy Crush). Et pour nos universités ? C’est à peine plus glorieux. Les ordinateurs et tablettes ont remplacés en grande majorité les calepins et stylos sur les bancs de la fac, grâce à l’ENT certains professeurs tentent une approche plus pédagogique en mettant en ligne leurs cours voire des compléments à ces cours. Parfois même des QCM pour s’entrainer avant les examens. Certains professeurs vont plus loin et mettent en ligne des MOOC (pour Massive Open Online Course) accessibles à tout un chacun. Mais guère plus. Et si en France on peut retrouver quelques MOOC, ce n’est qu’une goutte d’eau comparé à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

 

Pour prendre un exemple désormais mondialement connu, qui n’est certes pas en lien direct avec les universités mais plutôt avec la propagation d’un savoir, on peut donner l’exemple des conférences TED, qui sont des conférences sur des thèmes variés comme la science, les arts, la politique, la musique, et qui sont accessibles gratuitement par tout le monde (sauf si on veut les voir en direct live, là il faut payer entre 6.000$ et 7.500$ par an... voila). Ce concept, inventé en 1984 aux États-Unis, a lieu chaque année depuis 1990 aux États-Unis. Et en France? Il a fallu attendre 2009, soit presque 20 ans après, pour que le concept débarque chez nous. Non seulement la France est constamment en retard dans ces domaines là, mais en plus elle ne fait presque rien pour combler ce retard. Pourtant les outils sont là et ne demandent qu’à être employés.

 

Le thinktank libéral «  l’institut Montaigne » a publié le 28 juin dernier un rapport visant à moderniser l’université. À la faire entrer de plein pied dans l’ère du numérique. Ce rapport livre une  série de propositions en adéquation avec une volonté d’autonomiser les facultés françaises et d’en faire des pôles d’études compétitifs capables de rivaliser avec les universités internationales.

 

Parmi les propositions importantes : favoriser l’autonomisation des facs par l’adaptation à la révolution numérique et à ses enjeux. L’institut Montaigne souhaite en effet que les université étendent et accroissent leur utilisation de l’outil numérique à leur pédagogie et leur organisation (favoriser l’entreprenariat étudiant ou donner le libre accès aux données de recherche…) et, d’une manière insolite, de  s’en servir afin de  lutter contre l’échec en licence.

 

Non sans rappeler que seulement 40% des étudiants obtiennent leur licence en 3 ans, le Think tank préconise l’application du learning analytics, une technique d’apprentissage basée sur l’analyse des données et des comportements cognitifs des étudiants. Pour faire simple, il s’agirait d’optimiser l’étudiant dans ses études en mesurant par exemple ses sessions de travail en terme de durée et de fréquences, ou encore en passant au crible son environnement de travail (niveau sonore en classe, fluctuation du stress…). Cette technique, issue de l’intelligence business et utilisée dans l’école suisse Némesis, spécialisée dans la réinsertion de lycéens en décrochage, va jusqu’à établir un portrait psychologique et cognitif de l’étudiant afin de maximiser les bénéfices de son travail (oui un peu comme une IA ).

 

En adéquation avec le projet de fusion d’aligner les universités française à l’économie du numérique, les mesures proposées par l’institut (même si elles semblent un peu farfelues)  peuvent garder l’espoir d’être un jour mises en place. En effet de macronesques hospices favorisant toute initiative allant dans le sens de l’ubérisation de la société entière, il se pourrait que demain l’université publique française applique l’analyse comportementale comme outil pédagogique. Le meilleur des mondes.


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