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La coutume

La coutume
« Selon les us et coutumes », en voici une belle expression dont on aime user et abuser ; mais quand vient le moment d’expliquer de quoi on parle, ça devient tout de suite beaucoup plus compliqué…

Bête noire des étudiants de première année, la coutume est le dernier maillon de la sacro-sainte trinité des sources juridiques, avec la loi et la jurisprudence. Bon, en fait, il y a aussi la doctrine, mais tout le monde n’est pas vraiment d’accord là-dessus ; en plus, on ne pourrait plus utiliser la succulente expression de « sacro-sainte trinité » s’il fallait intégrer la doctrine comme quatrième source du droit. Il faudrait parler de quatuor désaccordé, et, n’en déplaise à nos camarades musiciens, c’est nettement moins joli. C’est un peu comme les trois mousquetaires. Ils sont quatre, mais si vous dites « les quatre mousquetaires », vous voyez bien que ça sonne moche. Ah oui et puis il y a tous ceux qui distinguent au sein de la Loi les lois, la Constitution, les traités internationaux, tous les types de règlements, et les PGD et PFRLR au sein de la jurisprudence ; on commence avec les trois mousquetaires et on finit avec les douze salopards. Donc, soyons concis et logiques à défaut d’être consciencieux, et contentons-nous d’un triptyque des plus sobres. On voit déjà que la coutume, rien que de l’évoquer, ça prend la tête…
 
Bref, pour résumer, en plus des travaux de nos chers enseignants-chercheurs, pour lesquels nous avons bien sûr le plus profond respect et la plus grande admiration, le droit est fait par le Législateur, le Juge, et le type qui un jour a lâché à l’apéro « il paraît qu’il faut faire ça comme ça, c’est ce que tout le monde dit ».
 
Malmenée en droit interne, prisée à l’internationale, ayant vécu ses heures de gloire à une période révolue, retour sur le parcours digne d’une diva d’une source du droit des plus controversées.

La coutume en droit interne
 
Opposée à l’origine au droit écrit, la coutume a constitué depuis l’époque justinienne la consécration orale des traditions juridiques du monde romain. Mais rapidement, elle a pris une place et une importance telle qu’elle a peu à peu été consignée à l’écrit ; on peut citer notamment la fameuse coutume de Paris (en matière civile), pour laquelle ce fût le cas en 1510. 
 
Elle était toutefois à différencier des lois qui constituaient l’expression souveraine de la volonté normative de l’Etat, et se retrouve à partir de la Révolution de 1789 mise en marge des sources du droit, et donc des orientations juridiques de l’Etat. Le doyen Carbonnier lui-même relevait que la coutume était un droit qui naissait des habitudes, contrairement aux lois qui viennent de la volonté de l’Etat. Notamment, elle est très contestée en droit pénal, qui à l’approche de la coutume brandit avec fermeté et conviction le glaive acéré du principe de légalité criminelle. 
 
On a donc dû se résoudre à abandonner ces petites habitudes charmantes comme celle qui consistait à trancher le doigt ou la main des voleurs. Dommage, mais on ne plaisante pas avec le principe de légalité. 
 
La place que l’on accorde à la coutume en France est donc très fluctuante selon la branche du droit que l’on considère. On a bien compris que les pénalistes n’en voulaient pas ; pas plus que la plupart des constitutionnalistes. Les droits les plus ouverts à la coutume restent donc le droit civil et le droit commercial. Toutefois, la coutume survit dans certains territoires d’outre-mer, et l’article 75 de notre Constitution garantit un statut coutumier à certaines personnes à Mayotte, Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

La coutume en droit international
 
La coutume est très présente en droit international. En effet, la particularité de la coutume étant, par opposition aux lois écrites, de se constituer lentement et d’être l’émanation d’une société au sens large plus que d’un Etat souverain, elle trouve particulièrement à s’appliquer en droit international. On est bien en présence d’une société internationale, mais on est encore loin (si tant est que l’on y parvienne un jour) d’une structure étatique internationale (bonjour la souveraineté des États ! Ça faisait longtemps !). 
 
Deux domaines à l’international donnent une grande place à la coutume : le droit de la guerre et, ici encore, le droit commercial. 
Ce dernier peut être illustré par la lex mercatoria, ensemble d’us et coutumes que les marchands et commerçants de l’Europe médiévale utilisaient pour régir leurs échanges commerciaux. Aujourd’hui remise en cause par certains mouvements doctrinaux, elle reste une des premières expressions d’une coutume internationale.
 
Enfin, la coutume a eu un intérêt majeur dans le cadre de la justice pénale internationale, et a servi lors des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, ainsi que plus récemment aux Tribunaux pénaux internationaux de La Haye et d’Arusha. Contrairement à notre droit interne, le droit pénal international utilise la coutume pour encadrer une justice inédite et dont on va chercher des principes dans les traités de justice pénale internationale et de droit de la guerre de l’époque médiévale, auprès d’auteurs comme Grotius ou Machiavel. Encore, diraient certains, une belle illustration de la schizophrénie du pénaliste, qui va de droit privé en droit public sans arriver à poser son fessier autre part qu’entre deux chaises.
 
Retenons-donc cela : si la coutume a vécu ses belles années aux époques romaine et pré-révolutionnaire, force est de constater qu’elle est aujourd’hui mise au ban des nobles sources écrites du droit, qui voient en la coutume l’expression chaotique de la volonté d’un peuple qui sans les lois de l’Etat ne serait pas bien encadré… On a dû louper un truc avec la définition de la démocratie… #JeSuisCoutume
 

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 Auteur de l'article : Constita First


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