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La « diplomatie sportive » : les intérêts stratégiques derrière les évènements sportifs internationaux

En 2024, la ville Lumière accueillera les Jeux Olympiques. À première vue, les évènements sportifs sont vecteurs de divertissement tout en permettant un renforcement des liens sociaux. Bien loin des clivages politiques, le sport permet d’unifier un pays derrière une équipe nationale. Pourtant, de nombreux intérêts, que l’on peut qualifier de stratégiques, se cachent derrière les manifestations sportives. Quels sont-ils ? Bien que très différents, il est possible de les regrouper pour la grande majorité derrière une notion unique : le soft power. Selon Pascal Boniface, directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), le sport est bel et bien devenu un facteur majeur de soft power. Ce concept, développé par le professeur américain Joseph Nye, désigne la capacité d’influence et de persuasion que détient notamment un État auprès d’autres acteurs de droit international, dans le but de les conduire à penser de la même façon que lui ou à changer de comportement, indirectement, sans qu’ils aient l’impression d’avoir été manipulés ou contraints. Loin duhard power,la politique de soft powers’identifie plus au « gant de velours » qu’à la « main de fer », et c’est par la séduction que s’opère l’influence, et non la force. Le soft powertouche beaucoup de domaines tels que la réputation d’un État, l’attractivité de sa culture, son prestige, ses performances économiques ou encore le rayonnement de ses idées. Les manifestations sportives peuvent par voie de conséquence être qualifiées de « vitrine du pays » et constituent l’occasion pour lui de briller sur la scène internationale – elles sont le symbole de l’universalisme. La réunion des États autour des Jeux permet par ailleurs d'entretenir des relations moins protocolaires, à travers ce que l’on pourrait qualifier de « diplomatie sportive ».

L’organisation de jeux sportifs est d’abord l’opportunité pour le pays de se développer sur le plan économique et culturel. Malgré la menace terroriste et les grèves, l’Euro 2016 a permis à la France de générer des bénéfices importants. Selon une étude réalisée par le Centre de droit et d'économie du sport de Limoges (CDES) et le cabinet Keneo sous l'égide de l'Observatoire de l'Économie du Sport, les retombées touristiques s’élèvent à un peu plus de cinq cents millions d’euros et celles liées à la compétition à environ quatre cent quatre-vingts millions. L'impact économique de l'évènement s’élève à un total de plus d’un milliard d'euros, dont plus de neuf cents millions de retombées directes nettes. En comparaison, l’organisation en 2007 de la Coupe du monde de rugby n’avait généré « que » cinq cent quarante millions d’euros en termes de retombées économiques. L’Euro 2016 a attiré plus de cinq cent mille touristes étrangers venus pour l’évènement en France. Selon Jacques Lambert, président d’Euro 2016 SAS : « On attendait 60% de spectateurs français dans les stades, et 40 % d'étrangers. Ce fut exactement l'inverse ». 

Mais il n’est pas à oublier que l’organisation de ces rencontres sportives à dimension internationale nécessite de dégager des fonds financiers conséquents. L’État organisateur montre ainsi au reste du monde qu’il est une puissance économique. Cela passe principalement par la construction d’infrastructures gigantesques, au détriment du respect de l’environnement. Les Jeux Olympiques de Rio ont coûté plus d’une dizaine de milliards d’euros pour l’édification des équipements sportifs. L’espoir de retombées économiques pour Rio ne s’est pourtant pas concrétisé à la suite de l’organisation des Jeux. Faute de moyens pour continuer à entretenir les installations, ces dernières sont aujourd’hui laissées à l’abandon et tombent en ruine, comme le mythique stade Maracana. Le New York Times explique que « l’héritage des Jeux de Rio est pour l’heure une série de promesses non tenues », le gouvernement ayant promis que les installations seraient réutilisées après les Jeux et qu’aucun argent ne serait gaspillé.

Sur le plan écologique, les Jeux Olympiques de Sotchi en 2014, suivi par ceux de Rio en 2016 ont eu des conséquences désastreuses. Le Comité international olympique a donc adopté une attitude plus écoresponsable en misant sur l’utilisation de sites existants, les déplacements en transport collectif et sur l’amélioration du tri et du recyclage des déchets. Pourtant, pour aménager les pistes de ski, l’amour du sport a pris le pas sur cette bonne résolution et il a fallu abattre soixante mille arbres au sein d’une forêt vierge protégée qui abritait plusieurs espèces de végétaux et d’animaux rares. Les Jeux de Tokyo en 2020 et de Paris en 2024 devront plus que jamais miser sur le respect de l’environnement, et les deux villes rivalisent entre elles afin d’organiser les jeux les plus « verts » possibles. Le Japon s’est engagé à fabriquer des médailles à partir de métaux récupérés. Mais la France quant à elle prévoit de réduire de plus de la moitié les émissions de gaz à effets de serre par rapport aux Jeux de Londres en 2012 et de s’approvisionner à 100% en énergies renouvelables. Cet objectif semble toutefois difficilement réalisable.

Plus intriguant encore, les jeux sportifs sont également le moyen pour les États d’assouvir certains de leurs intérêts politiques. La Corée du Nord a ainsi fait une entrée remarquée sur le devant de la scène internationale, non pas en menaçant une nouvelle fois d’utiliser l’arme nucléaire, mais en déclarant participer aux jeux olympiques de 2020 et 2022. Récemment, les Jeux Olympiques de Pyeongchang ont été un outil de fortification des relations diplomatiques entre les deux Corées. Ce rapprochement s’est symbolisé par une équipe unifiée de hockey sur glace. Les joueuses nord-coréennes et sud-coréennes se sont rassemblées sous une même bannière face à la Suisse, sous les yeux de la sœur de Kim Jong-un, Kim Yo-jong et du chef de l’État sud-coréen, Moon Jae-in. Ce premier pas vers la réconciliation s’est soldé par la déclaration de Panmunjom signée le vendredi 27 avril 2018 par les dirigeants des deux Corées, enclenchant un processus de paix, de dénucléarisation et une réflexion sur la situation des familles séparées.

Mais plus que la participation aux jeux, la non-participation permet également aux États de faire connaître leurs positions politiques. Le boycott des Jeux Olympiques d'été de 1984 par l’Union Soviétique, en réponse au boycott des Jeux Olympiques de 1980 à Moscou par les Etats-Unis, n’a fait que renforcer davantage le climat de guerre froide. Le sport est ainsi rapidement devenu un instrument de propagande essentiel pour les deux blocs en présence, accroissant, par là même, la rivalité Est-Ouest. 

Les compétitions sportives internationales sont donc le terrain de jeu des États pour asseoir leur puissance tant économique que politique grâce au soft power, bien que ce sont les valeurs du sport qui sont mises en avant par les acteurs.

 

Lucie MOHA


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