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L’architecture universitaire à Toulouse

Deuxième partie : L’Université Toulouse Jean-Jaurès

            L’Université Toulouse Jean-Jaurès est implantée dans un quartier historiquement récent mais marquant par les facteurs économiques et sociaux de sa création.           Le quartier de Toulouse dans lequel l’université est ancrée se nomme Le Mirail. Situé en périphérie du centre urbain, il a été réalisé dans les années 60 par l’agence Candilis. Georges Candilis, Alexis Josic et Shadrach Woods ont gagné ce concours les opposant notamment à l’un des plus grands architectes du XXe siècle : Le Corbusier.

            Le quartier du Mirail répond aux attentes de la France de l’après-guerre. Paul Desgrez, architecte de l’Agence Candilis, Josic et Woods, en 1993 explique que Le Mirail, par la politique locale de Bazerque, « était un schéma d’urbanisme nouveau qui allait créer une société nouvelle… »[1]. La problématique de l’époque formulée par Paul Desgrez était « Comment construire rapidement pour le plus grand nombre un habitat qui se voulait moderne ? »[2]. Il s’agit là d’une problématique essentielle pour l’émergence de ce quartier avec une construction qui résulte d’une forte croissance démographique au cœur de la ville de Toulouse. Sachant que le contexte de sa création était vu par Paul Desgrez comme étant « la phase ascensionnelle de l’industrialisation, il fallait construire et il fallait qu’il y ait un projet de société. »[3].

            Par ailleurs Georges Candilis en 1977 revient de manière critique sur ce projet majeur de sa carrière en expliquant que « L’objectif général était de construire le plus vite possible, aux meilleurs prix et en grande quantité. Le quantitatif – temps, argent, nombre – primait tout. Ces préoccupations atrophiaient la pensée, refusaient la recherche, l’imagination, l’invention. C’était la période de la prétendue rationalisation. »[4].

            Une architecture s’implante dans une ville, un quartier, un territoire. Avant de parler plus particulièrement de l’Université Toulouse Jean-Jaurès, il est important de comprendre la philosophie de conception de ce quartier, notamment au travers de la vie et des idéaux des trois architectes concepteurs que sont Georges Candilis, Alexis Josic et Shadrach Woods. Au-delà d’un quartier, la réflexion sur une « ville nouvelle » est réfléchie, questionnée par les observateurs et réfutée par les architectes.

            Comment concevoir une université moderne dans un nouveau quartier tel que le Mirail ? Comment Candilis, Josic et Woods conçoivent la « modernité » architecturale ? Comment a été pensée l’insertion urbanistique et sociale de l’Université Toulouse Jean-Jaurès dans le quartier ? Pourquoi, dans le cas de cette architecture, conception rime avec « simplification » de l’architecture ? Comment, de nos jours, reprendre un projet d’architecture datant des années 60 pour l’adapter aux enjeux d’aujourd’hui ?

 

§I. Le quartier du Mirail, la conception d’un projet architectural et social

 

            A. L’agence Candilis et son mouvement architectural

 

            Une équipe soudée. Cette agence d’architecture regroupait trois architectes reconnus que sont Candilis, Josic et Woods. Leur lien était étroit. Pour reprendre le témoignage de Josic en 1993 : « Nous étions comme des frères. Nous n’avions pas de secret les uns pour les autres, personne ne pouvait avoir une arrière-pensée sans qu’un des autres ne la devine, et nous n’avons jamais eu de contrat. Dix années sans interruption. »[5].

Candilis a rencontré Le Corbusier au cours de ses études. Participant au IVe Congrès International d’Architecture Moderne (C.I.A.M.) en 1933 à Athènes cette rencontre fut déterminante pour son avenir. En 1943, Le Corbusier lui confia pour première mission l’organisation de l’Assemblée de constructeurs pour une rénovation architecturale (ASCORAL). 1945 fut une année décisive avec le début de son insertion à l’atelier de la rue de Sèvres. Il devint alors l’un des principaux collaborateurs de Le Corbusier[6]. Ce dernier eut des idéaux sociaux qu’il traduisit de sa main par ses créations architecturales. Il inculquait à Candilis un savoir-faire mais également une philosophie de la conception architecturale. Pour Le Corbusier : « Il faut bâtir à l’air libre. La géométrie transcendante doit régner, dicter tous les tracés et conduire à ses conséquences les plus petites et innombrables. La ville actuelle se meurt d’être non géométrique. »[7]. Cet enseignement a certainement participé à la conception du Mirail.

            Le regard que des architectes portent sur ces trois architectes confirme cette relation si fusionnelle. Paul Desgrez, en 1993, affirme : « Candilis n’a pu être ce qu’il était que parce qu’il y avait Josic et Woods, et Josic et Woods n’auraient jamais pu travailler ensemble s’il n’y avait pas eu Candilis. ». Jean-Marie Lefèvre confie en 1993 sur l’agence Candilis : « Il y avait une osmose, mais ce qui a été la grande chance de l’équipe, c’est qu’il y avait des talents complémentaires. Candilis était celui qui faisait la synthèse dans l’équipe, le communiquant, le commercial. Woods réfléchissait, il voyait des voies nouvelles dans l’architecture. C’est lui qui a lancé le rôle qu’une cage d’escalier pouvait avoir en tant qu’articulation. Et ce dans une approche tout à fait théorique. Josic, le troisième homme, était la main, un dessinateur absolument prodigieux, d’une extrême sensibilité, capable de faire des merveilles graphiquement. Josic faisait l’architecture, il mettait en forme. Quand Woods intervenait dans un projet, chaque fois un élément nouveau apparaissait, mais chaque fois Josic reprenait l’idée et dessinait avec sa sensibilité que n’avaient pas les autres. »[8].

            Au sein de cette agence d’autres personnes travaillaient : l’architecte Paul Dony intervenait en assistance, Henri Piot était ingénieur et économiste et enfin Jean François était ingénieur structure.

            À Paris, l’agence se scindait en deux parties : une partie pour les concours et une autre pour suivre les réalisations. Tel qu’à l’agence de Le Corbusier, l’agence Candilis était perçue par les jeunes architectes comme un lieu de formation sans égal auprès des plus grands architectes de l’époque[9].

 

            Josic fut le chef de projet du quartier du Mirail. Dans le même temps, Woods mena le concours de Caen et Candilis s’occupa du concours de Hambourg[10].

 

            Un mouvement novateur. Candilis, Josic et Woods appartenaient au mouvement de l’architecture moderne. Ces trois architectes avec Alison et Peter Smithson, Aldo Van Eyck, Jacob B. Bakema, Jerzy Soltan, Giancarlo de Carlo, José-Antonio Coderch œuvrèrent à proposer une alternative architecturale et urbanistique par la critique de l’urbanisme moderne. L’association de ces dix pensées sur l’architecture forma le groupe Team Ten en 1953.

La naissance de cette réflexion architecturale et urbanistique fit naître l’idée de la conception d’une Charte de l’Habitat, équivalente à la Charte d’Athènes pour l’urbanisme. Ce travail fut réfléchi par Vladimir Bodiansky, Michel Ecochard et Georges Candilis. Ils avaient pour point commun de faire partie de l’ATBAT Afrique (Atelier des Bâtisseurs). Ce travail de réflexion se prépara pour le IXe Congrès International d’Architecture Moderne (C.I.A.M.). Comme le témoigne Paul Desgrez : « Candilis avait fait beaucoup d’études et de travaux sur le Maroc » ainsi fort de cette expérience avec Vladimir Bodiansky et Michel Ecochard, une approche plus « contextuelle » de l’architecture fut envisagée. L’identité culturelle et sociale des lieux ont alors été prises en compte dans la conception des projets d’architecture dans le but de remettre l’Homme au cœur des problématiques du projet.

En amont du Xe C.I.A.M. de Dubrovnik, le Team Ten s’est réuni à deux reprises pour débattre de la définition des nouveaux termes de l’architecture en Hollande et à Paris, respectivement en 1954 et 1955. Il s’agira d’un mouvement architectural donnant une valeur critique de l’espace moderniste notamment grâce à une réflexion portée à l’échelle urbaine. Leur idée était de garder vivant et de raviver le langage moderne de l’architecture en réincluant celle de la relation, des rapports qu’entretiennent les choses entre elles. Cette manière de penser l’architecture se traduisit par la mise en place de dispositifs architecturaux et urbains présents dans l’architecture du quartier du Mirail : la mobilité, l’interrelation des fonctions, la continuité, l’identification. Les réunions de débat autour de l’architecture et de sa conception persisteront et prendront fin à Toulouse-Le Mirail en 1975[11].

 

            B. Description architecturale du quartier Le Mirail 

 

            Les grands principes du plan. Forte du mouvement novateur créé avec l’engagement de l’équipe Candilis, cette dernière entra en rupture avec les C.I.A.M. en intégrant des notions essentielles à la définition de leur projet du quartier. La « centralité » d’un quartier, la hiérarchie des espaces, la continuité du bâti et des rues seront finement travaillées par la mise en place de « cluster » (grappe), de « stem » (centre linéaire) et de « web » (trame).

 

            Le quartier du Mirail repose sur deux grands axes mettant une distance avec la conception de la ville traditionnelle. L’idéologie des trois architectes mènera à unir architecture et ville en un tout. Cette utopie architecturale se déploie par des mesures, des décisions urbanistiques et architecturales fortes[12].

 

            L’espace public et le centre linéaire. La rue et la place publique furent totalement revisitées et « reconceptualisées ». La mise en place de coursives, de couloirs ou de dalles suspendues reliant les grands immeubles linéaires au-dessus du sol artificiel permettent aux piétons de retrouver leur place. Ces coursives sont des circulations, distributions piétonnes, autrement appelées des galeries. Couvertes à trois mètres de hauteur, l’accès aux bâtiments s’effectue par ces galeries. Sous ces dernières, les voitures circulent et stationnent. Ce système en double flux pour la circulation permet un meilleur confort de vie. Cette architecture a, en effet, pour aspiration de remettre la place de l’Homme au centre des intérêts et non plus la voiture. La voiture a sa place mais elle ne doit pas empiéter sur la liberté de circulation de l’Homme. Candilis, Josic et Woods prirent ce pari-là. Plus on s’écarte de cette ossature urbaine, plus les immeubles se font bas pour n’avoir finalement que des maisons individuelles. Candilis explique le projet en révélant que « tenant compte des particularités du terrain, nous avons tracé une nouvelle colonne vertébrale, un centre linéaire qui allait parcourir l’ensemble de la ville, de façon qu’il n’y ait pas de quartiers isolés, et que tous les habitants bénéficient des mêmes équipements urbains et vivent dans les mêmes conditions. Nous avons disposé de part et d’autre de ce centre linéaire des immeubles articulés en grappe, afin qu’ils produisent un ensemble harmonieux et non pas l’addition de blocs isolés. C’était un schéma très simple et très clair. »[13].

            Une architecture du bâti type. Le quartier possède une architecture en « Y » pour les édifices permettant un lien visuel avec des jardins et de vastes espaces publics. La contrainte du vis-à-vis est par ce système déjoué. Cette recherche architecturale dans le quartier ne se concrétise pas dans l’Université Toulouse Jean-Jaurès avec le déploiement d’une architecture à la « médina ». Ce travail architectural de l’Université à l’horizontal et organisé en trame de 6x6 m sera abordé ultérieurement.

            Une architecture sociale et pratique. L’objectif des architectes était de créer un lieu propice aux échanges, au dialogue pour un climat serein et paisible. Pour reprendre les termes de Candilis à ce sujet : « L’œuvre la plus importante qui résulte de ce travail, de cette entente, de cette persévérance, est la création de conditions favorables pour permettre aux hommes de se rencontrer, de mieux se connaître. Et la connaissance conduisant à l’amitié renforce la paix entre les peuples[14]. ».

            Au-delà de la création d’un nouveau lien social, la recherche d’une certaine praticité se manifesta par la conception de réseaux techniques (chauffage, électricité, distribution d’eau…) sous la dalle. À l’Université Toulouse Jean-Jaurès, toujours actuellement, la création d’une « vie souterraine » est appréciée par les techniciens. Tous les sous-sols seront reliés dès le projet initial et cela est resté en place.

            Le végétal dans le projet. Le quartier Toulouse-Le Mirail s’est construit sur des terres non pas sauvages mais tout du moins marquées par une nature visible, palpable par l’existence auparavant de cressonnières. Il fut important pour l’équipe Candilis de s’occuper de cette nature et de la valoriser. Candilis analysa leur appropriation de ces lieux naturels par les propos suivants : « L’aspect naturel du terrain est composé par une série de verdure, par des jardins et des parcs abandonnés. Les arbres et la verdure existants seront préservés avec amour jusqu’au dernier arbuste et en plus bien entendu il sera complété et modelé. » La conservation de la végétation fut entièrement intégrée au projet. Desgrez confia : « on avait un agronome avec nous, Rigal, un poète de la végétation : « Cet arbre va mourir, qu’est-ce qu’on peut faire ? On plante un arbre juste derrière lui et pendant qu’il meurt l’autre monte… ». Nous avons tout fait pour respecter la nature existante. ». Malgré ces intentions de respect profond pour la nature, la végétation pousse, se développe et meurt au fil des années. Le bâti par sa minéralité et son ordre géométrique prend parfois trop d’importance et asphyxie le végétal[15].

 

À l’époque, la presse titrait la conception de ce nouveau quartier comme étant « d’un urbanisme à visage humain ». Ces mots résument la volonté du projet.

 

            C. L’Université Toulouse Jean-Jaurès : un lieu de vie pour l’ensemble du quartier 

 

L’Université Toulouse Jean-Jaurès est un lieu de rencontre allant bien au-delà de celui des étudiants, des professeurs et du personnel administratif. Bien que, initialement, cette cohésion intergénérationnelle n’était pas prévue puisque comme le révéla Candilis dans son ouvrage Bâtir la ville : « le programme du concours n’avait pas prévu d’université. Or, à la suite de la réforme de l’enseignement supérieur, il fut décidé d’en créer une à Toulouse-Le Mirail. Pour dix mille étudiants ! Nous dûmes aussitôt reprendre les plans, trouver l’emplacement et adapter l’université à l’esprit même de la nouvelle ville. Ce fut un changement très important, extrêmement bénéfique, car la présence d’une jeunesse estudiantine, pleine de fougue et d’inquiétude, allait apporter un surcroît de vie à la cité. Si la « Maison du Quartier » identifiait Bellefontaine, l’université allait dominer le Mirail. Nous avons, en effet, réussi à intégrer cette nouvelle structure au plan initial, comme un corps normal de l’ensemble, et non à la façon d’une pièce rapportée. Pas de campus-ghetto, pas de cité universitaire. Je voulais faire participer les étudiants à la vie des habitants[16]. ». Ainsi un lien existe et se pérennise entre l’Université et le quartier, les étudiants et les habitants. La « dalle », ensemble des restaurants à la sortie du métro en direction de l’Université, vit un peu grâce à ses étudiants. Les collégiens de l’établissement Vauquelin traversent l’Université quotidiennement. Le parc de l’Université est emprunté par les habitants pour se déplacer mais également pour promener leurs chiens. Toute une zone sportive a été créée dans le complexe universitaire où les étudiants mais également les habitants du quartier peuvent s’y exercer. L’Université accueille parfois des jeunes du quartier du Mirail en stage ; ainsi, une véritable cohabitation existe avec ce quartier et est bénéfique pour ses habitants.

L’Université a la chance de posséder un lieu dédié à la culture nommé la Fabrique Culturelle (livrée en 2008). Des spectacles, des expositions en lien direct avec les musées, les théâtres de la ville y sont proposés.

Ce lien étroit entretenu entre le quartier et l’Université Toulouse Jean-Jaurès et plus largement la ville a été travaillé avec les personnes travaillant sur le Grand Projet de Ville (GPV).

 

§II. L’Université Toulouse Jean-Jaurès

 

            A. Une construction en plusieurs étapes

 

Ce projet de construction d’un campus universitaire se fit en plusieurs étapes. Quelques années s’écoulèrent entre la décision du projet, l’instauration d’un programme précis, le lancement des appels d’offres pour les architectes, puis les entreprises… L’Université Toulouse Capitole accueillant beaucoup plus d’étudiants que les surfaces d’enseignements à disposition le permettent normalement, un autre lieu devait être créé pour permettre à tous les étudiants de travailler dans de meilleures conditions. L’idée d’un projet universitaire sur le quartier du Mirail a vu le jour en 1964. L’objectif était d’apporter, au-delà d’un lieu de travail pour les étudiants, une vie au quartier, une énergie positive venant de la jeunesse toulousaine. Deux ans plus tard, en 1966, furent dessinés les plans. Entre 1968 et 1969, le premier bâtiment Candilis de l’Université Toulouse Jean-Jaurès fut construit. Ce premier bâtiment n’a pas été conçu dans la même logique constructive que les bâtiments suivants. Il fut construit de façon particulière en structure en acier. Cette méthode de construction est rapide. Par la suite, les bâtiments, toujours signés par l’architecte Candilis, ont été réalisés en béton. Ce changement se justifia par le fait que l’entreprise de l’époque a remporté le marché en expliquant construire aussi vite avec le béton qu’avec l’acier. Initialement, l’intégralité du projet Candilis était prévue en acier. En 1969, le projet vit le jour : l’Université Toulouse Jean-Jaurès pu ouvrir ses portes. Ce transfert d’une université à une autre se réalisa en plusieurs années. Entre les années 1971 et 1972, l’Université Toulouse Jean-Jaurès fut prête à accueillir ses étudiants. En 1972, la bibliothèque de l’Université fut construite par l’équipe Candilis. En 1992, l’arche et quelques bâtiments ont été construit en supplément dont des salles de cours appelées pétales. L’architecture universitaire de l’équipe Candilis est conçue pour 9000 étudiants. Entre 1991 et 1992, quasiment plus de 20 000 étudiants étaient inscrits à cette Université. En déficit de mètres carrés, il fut donc nécessaire de construire des surfaces d’enseignement. La création de l’arche a été un moyen de signaler architecturalement l’entrée de l’université. Ce bâtiment permit aussi de créer des surfaces d’enseignement supplémentaires. À l’origine, l’arche aurait été orientée sud-ouest, tournée face à l’entrée du métro mais l’orientation s’est vue modifiée car la construction de l’arche venait par-dessus la construction de la sortie de métro. La collision prévisible des deux constructions a nécessité un changement d’orientation. Le métro étant déjà construit, il fut plus simple de modifier l’orientation de l’arche. Des logements étudiants se sont construits dans le campus durant cette année. La Maison de la recherche a été édifiée en 1994. En 2016, sa surface se verra doublée. En 1997, l’UFR d’histoire est construite afin de mettre en place plus de surfaces d’enseignement. Les travaux de la nouvelle bibliothèque « Riboulet » ont débuté en 2000. La construction de la bibliothèque s’est achevée en 2003. Son ouverture a été retardée à cause de l’explosion de l’usine AZF, elle devait ouvrir quelques jours après cet évènement catastrophique. En 2006, la bibliothèque conçue par l’équipe Candilis sera démolie à cause d’une structure vieillissante et d’un besoin d’agrandissement avec un effectif d’étudiants de plus en plus important.

 

 

            B. Description architecturale de l’Université Toulouse Jean-Jaurès

 

Une situation imprévue. Candilis aurait utilisé des plans initialement dessinés pour répondre à un concours perdu dans un autre pays, un pays chaud comme le Maroc. Il aurait ensuite adapté les plans à ce nouveau quartier toulousain. Ceci expliquerait une architecture différente de l’architecture du quartier dans sa morphologie, il s’agit là d’une architecture à la « médina ».

Cette université se définit par une architecture très à l’horizontale marquée par des toits plats. Les édifices s’élevant sur deux niveaux sont très rares avec uniquement un petit bâtiment montant sur trois niveaux. Cette université est également caractérisée par la présence de beaucoup de patios, de coursives étroites pour avoir de la fraicheur malgré la chaleur. Il s’agit d’une architecture aérée rendant le lieu agréable à vivre pendant les périodes de fortes chaleurs.

 

Structure et matérialité. Candilis usa d’une architecture simple. Il s’agit d’une structure « poteau-dalle », remplie en toute liberté selon la volonté architecturale, avec une façade vitrée en menuiseries métalliques ou non vitrée avec des éléments briques. La brique utilisée était spécialement conçue à la demande de Candilis. Ainsi lors des travaux de reconstruction de l’Université sans l’intervention de l’équipe Candilis, la conception de cette brique à l’identique ne fut pas possible. Cette brique était laissée apparente autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Initialement prévu pour être une conception à structure en acier comme le premier bâtiment, la suite de la construction s’effectua en béton pour les poteaux, les poutres et les dalles. Dans cette université, nos regards ne peuvent s’épancher des heures durant devant des moulures finement sculptées, des joints creux ou des ornementations délicates. Candilis ne portait pas d’attrait dans son travail pour ces recherches-là. Ainsi une simplification de dessin de façade entre le premier bâtiment et les bâtiments suivants est une réflexion logique dans le travail de cet architecte. Cette simplification est certainement due à une volonté d’accélérer le temps de construction.

En revanche, il tenait à une organisation « carrée » en plan. En effet, l’Université s’organisait autour d’une trame de 6x6 m. Lors de l’explosion de l’usine AZF, les éléments restés en place à l’université furent les poteaux tramés tous les 6m. Les cloisons, n’ayant aucun rôle porteur mais jouant seulement un rôle de remplissage, ont été détruites. Ce type de structure poteau-poutre est parfaitement adapté aux séismes. La bibliothèque, construite après l’époque Candilis, a quant à elle subi beaucoup plus de dommages.

 

La cinquième façade. Cette architecture dite à la « médina » se manifeste par la réalisation de toits plats. Ces toits, à étanchéité plate, non adaptés à un climat pluvieux comme dans notre région, rendent les lieux moins plaisant en hiver.

En effet, cela est peu appréciable à cause d’une entrée d’humidité constante, d’une mauvaise isolation avec des toitures terrasses à pente nulle fuyant constamment. De plus avec des galeries couvertes conçues pour abriter de la chaleur en plein été, le lieu devient très vite sombre en hiver. La circulation se réalise alors sous lumières artificielles rendant le lieu beaucoup moins agréable. 

 

Végétation et patio. La conservation et la pérennisation de la végétation dans le quartier Toulouse-Le Mirail continua d’être au cœur des pensées de l’équipe Candilis pour concevoir l’université. En effet, la végétation est au cœur des bâtiments Candilis, notamment dans les patios. Candilis aimait créer des perspectives très végétales lors de la déambulation dans le campus universitaire. Cette végétation aère, rafraichit l’infrastructure, au même titre que les patios. Cette réflexion poussée sur la végétation et l’emplacement des patios rentrait parfaitement dans le contexte hypothétique d’une conception initialement prévue dans un pays chaud. Certains des patios étaient à l’intérieur des bâtiments, d’autres en lien direct avec les galeries, donnant toujours de la verdure à voir.

 

Des critiques architecturales. Comme tout projet architectural, des critiques sont exprimées, proposées pour réfléchir autrement au projet. Guy Hersant, adjoint au maire en 2005, induit par ses propos à une réflexion sur la hauteur des bâtiments. « C’étaient des maraîchages, c’est une stupidité d’avoir construit cette université à l’horizontale sur un tel terrain marécageux. Il aurait fallu la conforter solidement sur cette zone marécageuse, autrement dit la fonder sur pieux à 8 mètres de profondeur et là-dessus construire en hauteur et non éparpiller les bâtiments comme cela a été fait. »[17]

 

Nécessité d’un nouveau projet. À cause d’une mauvaise réalisation et d’une mauvaise maintenance des années 70 jusqu’en 1989, la situation était complexe. Dès 1989, l’État a considéré qu’il fallait agir pour remédier à cet inconfort constant. À partir de cette décision, entre 1989 et 1990, des services techniques sont nés afin de gérer le patrimoine de l’université et d’entretenir les locaux couverts et les locaux techniques (électricité, chauffage…).

Au-delà de ces démarches nécessaires, il fut important de donner un nouveau souffle à cette architecture vieillissant relativement mal. Au milieu des années 1990, une politique immobilière fut instaurée pour accroitre les surfaces de l’Université. L’État valida le projet de démolition-reconstruction intégrale de l’architecture Candilis[18].

 

C. Une université à l’écart qui tend à renouer avec le cœur de ville

 

            Fracture géographique et sociale. Initialement, sur le sol où fut implanté le quartier du Mirail avec l’Université Toulouse Jean-Jaurès il y avait des terres agricoles, des cressonnières, des animaux et des petites habitations. Face à une surpopulation en centre-ville, le maire de Toulouse de l’époque, Louis Bazerque, a décidé de désenclaver la ville par la création d’un nouveau quartier. Par la suite, la situation géographique s’est avérée être un mauvais choix. Ce quartier est physiquement coupé du reste de la ville par la construction du périphérique, de lotissements de villas, de concessionnaires automobiles, de bâtiments industriels construits le long de la rocade. Ce phénomène d’isolement renforce également une fracture sociale.

            Malheureusement le périphérique et ces constructions ont complètement ceinturé et étouffé l’Université Toulouse Jean-Jaurès. Malgré ces conditions difficiles, l’Université entourées de petites maisons a réussi à s’intégrer plus facilement que le quartier en lui-même, s’imposant par la construction de hautes tours. La fracture s’est avérée être au fur et à mesure des décennies également sociale avec un quartier changeant, comme de nombreuses cités HLM. La classe moyenne partit pour des maisons individuelles et fut remplacée par des familles d’immigrés mais aussi des ménages ne parvenant plus à vivre décemment avec les bouleversements économiques et sociaux[19].

 

            Un projet réalisé. En 2016, le campus universitaire du Mirail fut envisagé architecturalement et urbanistiquement d’une nouvelle manière. Ce projet de reconstruction s’étendait sur l’ensemble du site. Son ampleur était telle qu’elle fut parmi les plus importantes opérations à l’échelle nationale. Les recherches pour améliorer le lieu furent multiples et reposèrent notamment sur la conception de nouveaux espaces paysagers. Cette préoccupation de la végétation restera permanente dans le but de veiller à un patrimoine. De nouveaux services furent conçus pour améliorer le quotidien des étudiants et des enseignants-chercheurs : un nouveau Restaurant universitaire, une Maison des initiatives étudiantes, des locaux et des terrains de sport, des locaux pour la médecine préventive universitaire entre autres. Enfin, l’un des enjeux majeurs de ce projet fut de répondre aux enjeux du développement durable. Le projet consista à adapter cette architecture pour répondre aux nécessités d’aujourd’hui qui sont d’ordre fonctionnelles, esthétiques et techniques. L’Université tenait particulièrement à conserver l’esprit du travail architectural réalisé dans les années 60 en réinterprétant les principes structurants des aménagements au grès des nouveaux besoins et usages[20]

 

            Nouveaux principes architecturaux. Ce projet de reconstruction de l’université a eu pour objectif de s’ouvrir au reste du quartier et plus amplement de la ville. Pour ce faire, la présence d’une trame orthogonale dessinée par deux axes forts orientés Nord-Sud et Est-Ouest pour les galeries a été conservé. Un accès à l’université par le nord fut établi. Les galeries sont passées de 6m de large minimum à 12m. Les allées couvertes sont dorénavant hautes de 8m avec le passage de lumière naturelle grâce à des ouvertures zénithales vitrées. Les espaces et leurs fonctions sont plus lisibles grâce à une organisation en quatre plateaux. La séparation des piétons et des voitures est plus franche avec une dalle entièrement piétonne. Moins de patios sont visibles sauf pour le bâtiment d’enseignement de la psychologie. Sinon les patios paysagers restent pour l’essentiel intérieurs entre les bâtiments : ainsi ils sont moins visibles depuis les galeries. L’architecture reste à la « médina » avec une hauteur maximale de 3 niveaux sauf pour le Pavillon de la recherche. La modularité et l’évolutivité des espaces sont permises par des procédés constructifs économiques. Les fonctions des espaces sont identifiables par tous et permet ainsi une ouverture plus aisée au quartier tout en gardant ce lieu destiné au travail et à la recherche[21].

 

L’Université Toulouse Capitole est passionnante par son histoire, son passé et les projets menés actuellement tout autant exaltants et d’une envergue encore inenvisagée par de nombreux étudiants. L’Université Toulouse Jean-Jaurès était vibrante par son architecture certes critiquable par bien des aspects mais qui mérite néanmoins une compréhension du contexte de réalisation. Enfin, une troisième Université participe au rayonnement intellectuel et scientifique de la ville de Toulouse : l’Université Paul Sabatier. Elle sera l’objet de notre prochaine livraison.

 

*

**

 

Le Décodé tient à remercier chaleureusement l’architecte Robert Ayala pour sa précieuse aide, ses explications et son temps.

Les notes de bas de page ne peuvent être éditées dans la version papier du journal. Néanmoins, elles seront intégralement retransmises sur le site Internet du Décodé.

 

 

 

 

Juliette Penancier

 

 

[1] GRUET Stéphane et PAPILLAULT Rémi (dir.), LE MIRAIL Mémoire d’une ville, Éditions Poïésis, 5 rue Saint Pantaléon, 31300 Toulouse, janvier 2013, 445 p.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] Ibid.

[14] Cinq points [En ligne]. Disponible sur : https://cinqpoints.com/fr/blog/30_CANDILIS (consulté le 04 septembre 2018).

[15] GRUET Stéphane et PAPILLAULT Rémi (dir.), LE MIRAIL Mémoire d’une ville, op. cit.

[16] Ibid.

[17] Ibid.

[18] UNIVERSITE TOULOUSE JEAN-JAURES, Site de l’Université Toulouse Jean-Jaurès [en ligne]. Disponible sur : http://lareconstruction.univ-tlse2.fr/accueil-la-reconstruction/le-projet/grands-principes-d-amenagement/ (consulté le 14/09/2018).

[19] GRUET Stéphane et PAPILLAULT Rémi (dir.), LE MIRAIL Mémoire d’une ville, op. cit.

[20] UNIVERSITE TOULOUSE JEAN-JAURES, Site de l’Université Toulouse Jean-Jaurès [en ligne]. Disponible sur : http://lareconstruction.univ-tlse2.fr/accueil-la-reconstruction/le-projet/grands-principes-d-amenagement/ (consulté le 14/09/2018).

[21] Ibid. 


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