Aller au contenu
  • Facebook
  • X
  • Instagram

Vous êtes ici : Accueil > Rubriques > Juridique

La fusion-acquisition : flash sur les basiques

Photo
L'actualité le montre tous les jours : les réalités économiques n'attendent pas l'intervention des législateurs.

Le droit des sociétés exprime parfaitement ce besoin de souplesse et d'adaptation des entreprises afin de survivre à la concurrence nationale ou internationale. Et puisque l'union fait la force, les fusions de groupes constituent un de ces moyens d'élargir le périmètre (et le poids) d'une entité économique. Mais alors quid juris ?

 

La fusion constitue une des opérations majeures de mutation de la société, à l'instar des ventes d'actifs ou les augmentations de capitaux. Mais si la fusion peut se faire par création d'une entreprise nouvelle, il ne sera ici sujet que de sa forme la plus commune : la fusion-acquisition. Cette dernière est actuellement définie par voie réglementaire comme l'opération par laquelle une ou plusieurs sociétés transfèrent à une autre, par suite de leur dissolution sans liquidations, l'ensemble de leur patrimoine activement et passivement, moyennant l'attribution aux actionnaires de la société absorbée d'actions dans la société ou éventuellement d'une soulte

 

Si la nature même de cette opération fait encore l'objet de débat, certains militant pour une thèse contractualiste quand d'autres en font une analyse plus fonctionnelle, son régime applicable est beaucoup plus certain. On distingue en effet, trois systèmes concentriques : d'abord le système "rudimentaire" représenté par l'article 1844-4 du Code civil relatif aux sociétés civiles ou commerciales, le système de droit commun des sociétés commerciales aux articles L.236-1 à L.236-6 du Code de commerce et enfin le système développé concernant les sociétés anonymes aux articles L.236-8 à L.236-22 du même Code. De là, on déduit un régime juridique commun à l'opération de fusion-acquisition.

 

Conditions fondamentales de la fusion-acquisitions

           

Outre la procédure de décision de la fusion qui constitue une condition de forme globale et qui suppose un vote de chaque assemblée générale extraordinaire, on dénombre trois conditions de fond :

 

Il s'agit d'abord de vérifier le caractère "fusible" des sociétés parties à l'absorption, c'est-à-dire leur comptabilité. Entre deux sociétés de droit français, l'alinéa 3 de l'article 1844-4 du Code civil ouvre la possibilité de fusion entre deux structures de forme différente. La limite que semble seulement fixer le législateur est celle de ne pas obliger les nouveaux associés à des engagements plus importants. Ainsi, selon leurs natures, des sociétés ne pourront fusionner. Par exemple, l'article L.214-80 du Code monétaire et financier restreint la fusion des société civile de placement immobilier qu'avec une autre société civile de placement immobilier gérant un patrimoine de composition comparable.

 

De manière plus souple, l'article L.236-10, impose une parité des échanges. Le plus souvent, cette équité sera établie par un commissaire à la fusion qui établit un rapport à la disposition des actionnaires. La méthode d'évaluation passe alors par une recommandation de 1977 de la Commission des opérations de bourse (aujourd'hui fusionnée avec le Conseil des marchés financiers, formant ainsi l'actuelle Autorité des marchés financiers) : c'est la méthode du multi-critères. Le but de l'opération est d'éviter les écarts significatifs qui se traduiraient par une intention dolosive. 

 

La justification économique de la fusion est la dernière condition de fond : la jurisprudence l'exige pour s'assurer que l'opération va dans le sens de l'intérêt de la société, et non pas seulement des actionnaires. La question a pu se poser en matière de fusion rapides ou de LBO (leveraged buy-out) qui aboutissent sur le paiement du prêt du repreneur avec ce qu'il a acheté. La sanction n'est alors plus seulement civile mais également pénale puisqu'éventuellement constitutif d'un abus de pouvoir.

 

Effets caractéristiques de la fusion-acquisition

 

À la lecture combinée des dispositions du Code de commerce et de la directive européenne se déduisent trois conséquences caractéristiques plus ou moins systématiques de la fusion-acquisition :

           

D'abord, l'opération entraîne la dissolution de la société absorbée sans néanmoins qu'il soit procédé à la liquidation de cette dernière. La disparition de la structure sans liquidation lors de la fusion est une exception : classiquement la dissolution entraîne règlement des droits (l'actif) et exécutions des obligations (le passif) au sens de l'article 1844-8 du Code civil. Mais en matière de fusion-acquisition, on considère que la société absorbante réalise la continuation de l'absorbée par fiction juridique.

 

Ensuite, la fusion entraînera une transmission universelle de patrimoine de l'absorbée vers l'absorbante. La société survivante devient alors l'ayant cause à titre universel de la société disparue. En conséquence, la fusion entraîne la continuité des relations contractuelles ainsi que la conservation des droits des créanciers antérieurs à l'opération. 

 

Enfin, il peut  en résulter l'échange de parts ou d'actions de la société disparue contre d'autres de la survivante. En d'autres termes, il s'agit d'intégrer les membres de la société absorbée à la société absorbante. De plus, les dirigeants de cette dernière perdent automatiquement sur leurs fonctions mais peuvent néanmoins en recevoir d'autres dans les conditions déterminées par le contrat. Il peut aussi être attribué une soulte en espèce. Néanmoins, ce dernier effet n'est pas considéré comme substantiel puisque non systématique. Par exemple, la fusion de la totalité d'une filiale par une société-mère n'entraîne pas l'échange de titres.

 

Ainsi, de l'étude - simplifiée - de ces conditions et effets, on observe finalement que la fusion-acquisition est une procédure rationnelle, emprunte de pragmatisme. Le spectre de la liberté contractuelle planant toujours au dessus du dispositif, les associés peuvent librement adapter leurs structures aux défis des marchés. Les limites à cette latitude sont alors celles imposées soit par le droit de la concurrence soit par le droit pénal des affaires.

 

Thomas Bugada

 

Pour aller plus loin :

- Cass.Crim, 25 ocotobre 2016, FS+P+B, n°16-80.366 ;

- LECOURT.A, L'impact de la réforme du droit des contrats sur le droit des sociétés : aspects théoriques et pratiques, 2016, RTD com, p. 767 ;

- VIDAL.V, Droit des sociétés, 2010, LGDJ, 7ème éd, p184 


  • twitter
  • facebook
Partager cette page


En appuyant sur le bouton "j'accepte" vous nous autorisez à déposer des cookies afin de mesurer l'audience de notre site. Ces données sont à notre seul usage et ne sont pas communiquées.
Consultez notre politique relative aux cookies