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La réinsertion après une peine privative de liberté : les évolutions de ces 10 dernières années

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Selon l’article 131-1 du Code pénal, les personnes physiques ayant commis un crime encourent la réclusion ou la détention criminelle pour une période comprise entre quinze ans et la perpétuité. Or, d’après l’article 130-1 du même code, la peine a deux fonctions : sanctionner l’auteur de l’infraction et favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion.

La fonction rétributive de la peine est caractérisée par la privation de liberté. Celle-ci, en plus de punir l’individu pour son comportement, est censée le dissuader de récidiver. La peine a également une utilité sociale, à savoir permettre à l’individu de se réinsérer dans la société. Le concept de réinsertion a traversé les âges. En effet, Platon invoquait, dès l’Antiquité, cet aspect de la peine qui a pris de plus en plus d’ampleur avec notamment l’influence de l’Eglise, du courant humaniste et du constat de l’état des prisons. Il est donc intéressant de se pencher sur les évolutions des différentes politiques pénales concernant la réinsertion ces dix dernières années.

 

 

Loi pénitentiaire de 2009 : l’obligation d’activité  

 

La section 2 de la loi du 24 novembre 2009 pose une obligation d’activité pour les détenus. En effet, il est indiqué que « toute personne condamnée est tenue d'exercer au moins l'une des activités qui lui est proposée par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation dès lors qu'elle a pour finalité la réinsertion de l'intéressé ».

Toutefois, cela est rarement mis en œuvre du fait de la surpopulation carcérale. Par conséquent, les détenus sont mis sur liste d’attente avant de pouvoir accéder à une activité.

 

Nouveau programme immobilier pénitentiaire, mai 2011 : la surpopulation carcérale

 

Lancé par le garde des sceaux Michel Mercier, ce nouveau programme immobilier avait pour but la création de places de prison supplémentaires. L’objectif était d’atteindre les 70 000 places en 2018.

 

En juillet 2011, 64 584 personnes étaient écrouées pour 56 150 places. Huit ans plus tard, l’augmentation de la population pénale et l’insuffisance des capacités de détention est toujours d’actualité. En effet, d’après les statistiques du mois de juillet 2019, la capacité opérationnelle en prison, c’est-à-dire le nombre de places disponibles, est de 61 105. Or, 71 710 personnes sont incarcérées, ce qui fait près de 10 600 individus « en trop ».

La surpopulation carcérale, qui touche principalement les maisons d’arrêt, entraîne une dégradation des conditions de détention et multiplie les tensions entre les détenus. Par exemple, en 2016, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a considéré que les conditions de vie des détenus à la prison de Fresnes, dû à la surpopulation et aux conditions d’hygiène, constituaient un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

Rapport de la Cour des comptes, juillet 2010 : le travail en prison

 

Ce rapport, intitulé « Le service public pénitentiaire : prévenir la récidive, gérer la vie carcérale » évalue l’efficacité des différentes politiques pénales mises en place.

 

Dans une section relative aux conditions de détention, le faible nombre de détenus exerçant une activité professionnelle est pointé du doigt. En effet, il est indiqué que « le travail pénitentiaire et la formation professionnelle devraient constituer les clés de voûte de l’insertion ou de la réinsertion sociale des détenus ». En 2008, seul 31% des détenus exerçaient une activité professionnelle. Dix ans plus tard, ce taux était de 28%.

Rapport du Sénat sur l’application de la loi pénitentiaire de 2009, juillet 2012

 

Ce rapport fait état d’une mise en application insatisfaisante de la loi du 24 novembre 2009. En effet, il est indiqué que « l’application de la loi pénitentiaire n’est pas à la mesure des espoirs qu’elle avait soulevés ».

D’après ce rapport, un manque de moyens financiers, notamment en ce qui concerne le développement des aménagements de peine, serait en cause. Effectivement, la loi du 27 mars 2012 relative à l’exécution des peines a contredit les orientations de la loi pénitentiaire, en particulier concernant l’aménagement des courtes peines d’emprisonnement.

En 2009, sur l’ensemble des détenus écroués, 14,5% bénéficient d’un aménagement de peine. Dix ans plus tard, ce taux était de 22,5%. En 2018, 6% des détenues bénéficiaient d’un placement sous surveillance électronique.

 

Le nombre de conseillers de probation et de réinsertion

 

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sont chargés d’assurer le contrôle et le suivi des détenus afin de prévenir la récidive et favoriser la réinsertion. Ils étaient 3 750 en 2009. Or, en 2018, ils ne sont que 4 000.

Le rapport du Sénat précédemment évoqué mentionnait que l’étude d’impact accompagnant la loi pénitentiaire de 2009 estimait nécessaire la création de 1 000 emplois supplémentaires de conseillers d’insertion et de probation. Or, trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, moins du tiers de ces postes avaient été effectivement ouverts.

Devant la constante augmentation du nombre de détenus, ces conseillers sont débordés. En effet, ils doivent traiter plus d’une soixantaine de dossiers à la fois, ce qui rend impossible un suivi individualisé et complique la réinsertion.

 

Loi de programmation 2018-2022 : construction de nouveaux établissements pénitentiaires 

 

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, promulguée le 23 mars 2019, prévoit la création de places supplémentaires afin de « rendre effectif l'objectif de réinsertion sociale de la peine privative de liberté (…) ».

On peut alors se demander si la construction de nouveaux établissements pénitentiaires peut réellement améliorer la réinsertion et lutter contre la récidive. Par exemple, en France, alors que 61% des détenus ayant été condamnés à une peine de prison ferme ont récidivé dans les cinq ans, ce chiffre est de 23% pour les individus ayant bénéficié d’un placement sous surveillance électronique (chiffres du Ministère de la Justice).

 

D’après Bruno Cotte, président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation, élaborer des textes satisfaisant à l’exigence de réinsertion constitue l’une des conditions d’un retour à la liberté sans risque ou avec le minimum de risques de récidive. Le Sénat considère que les différentes évolutions législatives de la politique pénale tendent à ramener à exécution toutes les peines d’emprisonnement ferme, y compris les plus courtes, ce qui peut expliquer ce manque d’évolution depuis dix ans.

                                                                                    

 

Oriane Boussard Grevsbo

 

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