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La résurrection du mammouth : de l’Âge de Glace à l’Âge du clonage

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Du plus profond de l’ère glaciaire, il pourrait revenir à la vie : le mammouth. Rappelez-vous : « La vie trouve toujours un chemin », Ian Malcolm, joué par Jeff Goldblum dans Jurassic Park (1993) écrit par Michael Crichton. Les généticiens n’en sont-ils pas un ? Si oui, un chemin doué de volonté.

Du plus profond de l’ère glaciaire, il pourrait revenir à la vie : le mammouth. Rappelez-vous : « La vie trouve toujours un chemin », Ian Malcolm, joué par Jeff Goldblum dans Jurassic Park (1993) écrit par Michael Crichton. Les généticiens n’en sont-ils pas un ? Si oui, un chemin doué de volonté. En outre « La création est un acte de pure volonté » John Hammond, joué par Richard Attenborough dans le même film.
 
La résurrection du mammouth laineux est le sujet d’une actualité brûlante, et est un thème à controverses. Le mammouth, cet animal qui a vécu à l’ère Pléistocène (1,75 millions d’années à 10000 ans avant notre époque) et dont les derniers représentants se sont éteints il y a 4000, était un herbivore dont le plus proche parent actuel est l’éléphant d’Asie. Plusieurs espèces peuvent être citées, comme Mammuthus imperator, qui vivait en Californie et devait être dénué de laine, ou, celui qui nous intéresse ici, Mammuthus primigenius, le mammouth laineux.
 
Les généticiens veulent utiliser le clonage pour rendre possible cet exploit. C’est un outil très puissant, car il permet de prendre l’ADN d’un individu, réparer ce qui a été abîmé par le temps et l’injecter dans l’ADN porteur (première méthode) ou mettre un nouveau noyau dans un ovule et l’implanter dans une mère porteuse (deuxième méthode). Il y a bien évidemment des enjeux, surtout environnementaux, sur lesquels je reviendrai en détails un peu plus tard. Pour l’instant, je détaillerai les explications concernant le cheminement de l’étude dans le projet « Woolly Mammoth Project », le Projet Mammouth Laineux.
 
Ce qui semblait n’être que fiction il y a encore vingt ans dans le roman de Michael Crichton, pourrait en effet devenir réalité maintenant.
 
Pour réaliser pareil exploit, les scientifiques sont d’abord allés sur le terrain, dans les steppes glacées de la Sibérie, à la recherche d’échantillons en condition suffisante pour être exploités. En 1977, un bébé mammouth avait été retrouvé sur les rives d’un fleuve en Russie, dans un excellent état de conservation. Plus récemment en 2007, un autre bébé mammouth, dont les paléontologues disent qu’il est en état de conservation « presque parfaite », a été récupéré dans un glaçon après avoir dérivé sur la rivière Yuribei, en Russie. Mieux encore : en 2013, un autre mammouth a été découvert, il serait si bien conservé qu’il contiendrait encore du sang liquide et de la chair fraîche. Ce genre de matériel biologique serait parfait pour avoir un ADN en si bon état qu’il serait bien plus facile de recréer ces chères grosses boules de laine.
 
Dans son nouveau livre Woolly : The True Story Of The Quest To Revive One Of History’s Most Iconic Extinct Species, Ben Mezrich raconte l’épopée des chercheurs dans ces steppes, et la volonté de résurrection du mammouth, ainsi que des écosystèmes en périls. Dans son entrevue avec National Geographic, il explique que cette fiction peut devenir réalité, notamment grâce à de nouveaux outils génétiques récemment apparus. Il cite spécifiquement la méthode CRISPR (ayant moi-même utilisé cet outil, je peux attester de sa puissance et de son efficacité), une technique révolutionnaire reposant sur une enzyme qui vient se coller sur la séquence ADN pour laquelle elle aura été programmée au préalable, et va ensuite couper cette séquence, enlever ce qui doit être enlevé, rajouter ce que l’on veut si besoin, et suturer l’ADN comme si rien ne s’était passé. Cela permet de réparer un gène, le supprimer, en ajouter un nouveau, voire même le dupliquer. Ce qui est, encore une fois, révolutionnaire, là où jadis on ne pouvait que lire l’ADN et prédire des maladies génétiques, des caractères spécifiques d’un individu, on peut désormais, sur commande, écrire ces caractères sur le génome de l’individu ; c’est la première méthode que je citais.
Ceci est proposé et expliqué par George Church, Directeur du National Intitutes of Health Center of Excellence in Genomic Science, à Harvard : grâce à la similitude extrêmement forte entre leurs ADN, l’on peut utiliser la méthode CRISPR pour copier les zones conservées du génome du mammouth, et les injecter dans celui de l’éléphant d’Asie, en remplaçant certains gènes, afin de doter ce dernier de caractéristiques semblables à celles du mammouth. Ce processus est appelé « dé-extinction ».
 
Un laboratoire Sud-Coréen, Sooam Biotech, propose la méthode Dolly (la brebis). Prendre un noyau bien conservé et l’introduire dans un ovule ; c’est la deuxième méthode. Cette idée est remise en cause par George Church, qui annonce qu’aucun noyau ne peut être assez bien conservé pour permettre cette méthode. Son idée à lui n’est pas de cloner réellement le mammouth, mais plutôt de permettre à l’éléphant d’Asie de « rétro-évoluer » vers la condition de son cousin préhistorique.
 
Ben Mezrich conjecture que le monde, dans les trente ans à venir, va être complètement changé, grâce à ce que nos généticiens peuvent faire dans leurs laboratoires. Plus que de pouvoir soigner des maladies génétiques, il fait allusion à la résurrection du mammouth et à l’impact que cet animal réveillé aura, selon certains, sur notre environnement, avec tous les enjeux éthiques qui suivent.
 
Pourquoi le mammouth nous serait utile, vous demandez-vous ? Il existe quelques raisons données par George Church que j’exposerai ici : La première est le fait qu’un éléphant possédant le poil laineux et la graisse sous-cutanée lui permettant de résister au froid de la Sibérie lui permettrait de s’y abriter du braconnage que subissent ses cousins africains. La seconde est que ces herbivores pourraient manger les herbes mortes, favorisant ainsi le renouveau de la flore de cette région en permettant au soleil de passer, et fissurer la couche de glace isolante pour que l’air glacial puisse passer et favoriser le retour des prairies très sèches appelées « steppes à mammouths ». Cela participerait à atténuer la fonte de la toundra, et par le même biais la libération de gaz à effet de serre. Ce serait donc utile pour aider à lutter contre le réchauffement climatique.
 
Cela étant dit, tous ne sont pas d’accord sur la résurrection du mammouth. Nous sommes pressés de savoir si nous pouvons le faire, mais en avons-nous le droit ? C’est exactement la question que se posent une certaine quantité de chercheurs, de penseurs. Avons-nous le droit de ressusciter des espèces dont l’extinction n’a pas été dépendante de l’activité humaine ? Comme le dit Ben Mezrich dans son entrevue, les scientifiques joue à Dieu tous les jours dans leurs laboratoires. Créer de nouvelles formes de vie en laboratoire, on appelle cela la « Frankenscience », en référence au célèbre Docteur Frankenstein qui avait créé une vie de toutes pièces. Il pense néanmoins que beaucoup de conservationnistes seraient d’accord avec lui pour dire que ramener le mammouth à la vie est moins « jouer à Dieu » que de corriger des erreurs commises par l’être humain. Le plus effrayant reste qu’aucun corps organisationnel ne surveille ces recherches. Et tout le monde, de par le monde, y va de ses petites avancées sans consulter personne, car ils estiment que leurs recherches supplantent les autorités locales ou même étatiques, toujours selon Ben Mezrich.
 
Le laboratoire Sooam Biotech par exemple, qui garde jalousement le secret de ses avancées et son matériel biologique (le mammouth contenant du sang liquide) dans une université russe avec laquelle il collabore, a été discrédité pour ses fausses déclarations quant au clonage de cellules humaines, et s’est mis au clonage de chiens. Il essaie maintenant aussi de ressusciter le mammouth, par le clonage direct, comme expliqué plus tôt. Si l’état de conservation annoncé de leur mammouth est réel, il serait alors véritablement possible d’en cloner un de manière directe. Cela reste très difficile à croire pour George Church, mais sait-on jamais ?
 
« Le pouvoir génétique est la force la plus terrible que la planète ait connu » et nous devons faire attention à ne pas la manier « comme un enfant qui a trouvé le flingue de son père » Ian Malcolm, Jurassic Park.
 
Vivien Murguet, avec l’aide de Pierre-Henri Vignoles
 

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