Si vous avez l’impression que cette histoire de Brexit dure depuis des siècles et que cela n’avance pas, c’est normal c’est le cas ! De nombreux aspects juridiques, économiques et humains restent à régler d’autant plus qu’il est important que les deux puissances se mettent d’accord sur chacun des termes.
Selon les dates officielles, le Brexit devrait être acté avant le 29 mars 2019 et laisser place à une période de transition s’achevant le 31 décembre 2020. Or, les négociations semblent au point mort. En effet, le rapport de force semble en faveur de l’UE qui ne veut rien lâcher au Royaume-Uni. Les 27 États de l’Union sont restés soudés en laissant parfois prévaloir les intérêts européens à leurs propres intérêts nationaux. Quant à Theresa May, n’ayant qu’une petite majorité politique, sa marge de manœuvre reste très restreinte.
De ce fait, l’Union a obtenu de nombreuses concessions de la part du Royaume-Uni qui verra ses engagements soldés une fois le Brexit acté. Par ailleurs, pendant la période de transition le RU se devra d’appliquer les décisions des juridictions européennes et devra permettre aux ressortissants européens arrivés avant la période de transition de bénéficier d’un droit de séjour simplifié.
La démission des deux acteurs majeurs du Brexit dur, David Davis (secrétaire d’État à la sortie de l’UE) et de Boris Johnson (Ministre des affaires étrangères), n’arrangent en rien la position britannique actuelle et pourrait par ailleurs priver Theresa May d’une majorité parlementaire. Le programme de sortie de l’Union Européen de la Première Ministre qui, rappelons-le, a pour but de maintenir le Royaume-Uni en tant que membre de l'union douanière européenne seulement pour l'industrie et l'agriculture, tout en récupérant un contrôle des mouvements migratoires intra-européens, sera d’autant plus difficile à appliquer.
Theresa May se trouve ainsi bloquée, face à une Union Européenne forte, entre deux choix qu’elle ne peut accepter : rester dans le marché unique européen en tout point (produits, services, capitaux et personnes) ou le quitter définitivement tout en restant liée à l’UE par un accord de libre-échange.
Le premier choix induit en effet le risque d'une frontière dure entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni (ce qui est inacceptable pour la plupart des citoyens britanniques, et notamment pour le parti unioniste irlandais DUP, grâce auquel Theresa May dispose d’une faible majorité au Parlement). Mais encore ce choix ne permet pas de maintenir des relations assez étroites avec l’UE, ce qui est le souhait des partisans du soft-brexit.
Le deuxième quant à lui va à l’encontre de la reconquête de la souveraineté migratoire britannique ainsi que d'une autonomie législative par rapport à la Commission et à la Cour de Justice de l’Union Européenne. Toutefois, ces solutions semblent les seules concevables pour l’Union qui souhaite lutter contre le populisme et conserver l’intégrité de son marché unique.
C’est dans ce climat que la première ministre britannique a décidé de faire planer la menace du « no deal ».
L’UE a activement réagi à cette éventualité qui ne ferait aucun gagnant mais plutôt des perdants : les citoyens européens et britanniques. Les conséquences pourraient être nombreuses et dramatiques. En effet, en l’absence d’accord, les relations entre le Royaume-Uni et l’UE seront régies par les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ce qui signifie aucun accord pour les expatriés britanniques et européens, une obligation de réintroduire les contrôles aux frontières, ainsi que de nouvelles procédures non habituelles pour les TPes et les PMes mais néanmoins obligatoires quand un État de l’UE commerce avec un pays tiers.
La Commission Européenne a rendu public un document à l’attention des vingt-sept États membres, destiné à leur expliquer la marche à suivre en cas d’absence d’accord sur les conditions du divorce avec Londres. Cette réponse rapide permet à l’Union de montrer sa force tout en montrant qu’elle peut gérer cette situation de « no deal ». De ce fait, cette option laisse planer à la fois une crainte et à la fois un doute au-dessus du continent européen.
On peut dans un premier temps considérer le « no deal » comme une pression du Royaume-Uni sur l’UE pour l’obliger à trouver un compromis, mais il apparait également comme une possibilité envisageable de sortie de l’UE, le Royaume-Uni n’ayant pas de solution qui pourrait convenir à l’ensemble des forces politiques.
Cette menace semble permettre au Royaume-Uni d’attester qu’il n’est pas totalement démuni et que ses relations avec l’Union ne sont pas prêtes de s’apaiser. C’est dans ce cadre mouvementé que le premier ministre français Edouard Philippe a appelé le gouvernement au courant du mois d’aout à envisager un scénario du « sans-accord ».
Le jeudi 20 Septembre a eu lieu à Salzbourg un sommet informel des 27 États-membre (absence de Thérèse May et du Royaume-Uni) où il a été annoncé que les négociations du Brexit touchaient à leur terme. Cependant le plan « Chequers » proposé par la Première ministre a été unanimement rejeté. Il reste donc des points délicats qui ne sont pas encore réglés, notamment la question de la frontière entre les deux Irlande.
L’UE et le Royaume-Uni sont en accord sur le principe mais pas sur la solution. En effet, ils ne veulent pas réinstaller la frontière dure du passé.
Ce rejet des 27 États membres de l’UE montre que la question de la sortie du marché unique n’est pas réglée et que les membres de l’UE restent sur leur position en refusant une sortie partielle Royaume-Uni. Dans ces conditions vient s’ajouter une deuxième menace pour Theresa May : le vote d’un second référendum, proposé par les travaillistes de Jeremy Corbin, afin que la population britannique ait le dernier mot sur l’accord final négocié entre Londres et Bruxelles. Ce référendum serait envisageable si le gouvernement de Theresa May n’arrive pas à négocier le Brexit et tombe lors des prochaines élections. De telles élections seraient possibles en cas de rejet de l’accord du Parlement de Westminster avec L’UE.
Charles Canonge