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GAME OF ANARCHY : La possibilité d'un constructivisme machiavélique

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A l'instar de la célèbre série télévisée, on peut voir dans le concept d'anarchie un processus malléable dont le contrôle, peu aisé, constitue un certain pouvoir.

Du grec, anarkhia, l'anarchie est l'absence de commandement contrairement à la hiérarchie, qui serait littéralement le pouvoir, le commandement sacré ; partant de ce point, dans quel contexte doit-on interpréter les relations internationales ? L'étude de la nature du système international pourrait sembler vaine en cherchant forcément à le réifier, en le rendant davantage saisissable car pour certains théoriciens, l'anarchie est le socle du système international. En effet, Kenneth WALTZ soutient dans son article « Anarchics orders and balance of powers » que le monde est anarchique et par conséquent les relations internationales ont lieu dans une atmosphère insupportable de survie. Selon lui, cette anarchie serait structurelle et donc irréversible. La fatalité de ce contexte pousserait alors les États à mettre en exergue leur puissance quitte à l'exercer en prévention. Par exemple, dans l'Antiquité, les athéniens auraient attaqué les Méliens dans une stratégie de dissuasion à l'égard des autres puissances environnantes. Bien que cette perspective soit pertinente (il n'existe pas de hiérarchie mondiale, l'angélisme est peu recommandable envers les autres États, il faut garder une certaine méfiance à l'égard d'autrui), elle semble obsolète face aux théories constructiviste et libérale. Le temps des tribus, des clans et des cités antiques est révolu, la communication avec les autres États est décuplée grâce aux nouvelles technologies et aux nouveaux procédés tels que les institutions internationales. Si l'anarchie est possible dans le système international, elle n'est certainement plus, la vision réaliste, primaire et fatalement pessimiste dans les relations interétatiques. Quand Alexander WENDT, le constructiviste, développe l'idée que l'anarchie est socialement construite par les États et dépend de la relation intersubjective avec autrui ou quand David A. LAKE, le libéral, propose une coopération à l'organisation anarchique, le concept d'anarchie est renouvelé dans une vision de l'acteur étatique bien moins pessimiste.

 

            Cependant, on peut qualifier l'État, dans la vision réaliste, de naïf voire niais, non pas qu'il soit stupide mais qu'il ne soit pas doté d'une certaine réflexivité pour tirer avantage au maximum de la situation anarchique. En combinant la paranoïa réaliste à la construction de l'anarchie par les États (« Anarchy is what states make of it »), on pourrait déceler une instrumentalisation de l'anarchie aux intérêts de l'État. Dans le cas de la Corée du Nord, l'autarcie prononcée ne peut venir d'une vision réaliste car le degré extrême de renfermement qu'ils affichent devrait l'empêcher d'avoir des relations avec la Chine, une puissance régionale et mondiale. Mais elle peut très bien avoir généré un discours apocalyptique sur sa population afin d'en garder le contrôle, une image de l'extérieur construite sur la peur de l'étranger et entretenu depuis 1953 : la construction d'une vision anarchique mondiale assure au régime une structure hiérarchique plutôt stable. Le même rapprochement pourrait être fait avec l'Oceania, État fictif du roman « 1984 » de George ORWELL, qui construit un climat de guerre mondiale avec les autres États pour justifier la militarisation du régime et le contrôle extrême de la population. Cette forme hybride entre le réalisme et le constructivisme pourrait être une sorte de « constructivisme machiavélique » à partir duquel l'État construirait sa vision du système international en fonction de ses intérêts et notamment une vision pessimiste, anarchique pour sacraliser son territoire comme un havre de paix selon sa population. Dès lors, la souveraineté serait l'objectif ultime de cette vision du monde, le socle de la stabilité de l'État en société imposant légitimement une hiérarchie où il se trouve au sommet sur son territoire.

 

            Qu'il s'agisse d'un État ou même de plusieurs États rassemblés à travers une identité collective, ces corps constitués profiteraient de l'insécurité extérieure pour apporter un ordre intérieur. N'est-ce pas la lecture que l'on pourrait avoir de la série Game of thrones: une structure hiérarchique, dans laquelle plusieurs royaumes s’unissent autour d'un roi, mise en place par une pratique constante d'une féodalité revisitée autour d'un objectif commun, survivre à l'hiver et au Nord, terre chaotique. Malheureusement, les pratiques des royaumes créent l'anarchie. Cette image pourrait être comparée à l'OTAN qui existe encore, une organisation militaire réunie autour d'un objectif anti-communiste révolu, et ce fameux royaume volant en éclats malgré la menace grandissante au Nord. Le constructivisme machiavélique pourrait toutefois permettre de promouvoir une coopération à plus grande échelle : la lutte globale contre le réchauffement climatique n'a-t-il pas comme objectif latent de déconstruire l'image des États comme des concurrents mais comme des voisins soucieux de préserver leur environnement malgré la promiscuité ? Un parallèle entre cette situation et celle de Game of thrones pointerait les conflits récents tels que les crises ukrainienne ou irakienne comme les luttes intestinales qui nuisent à faire front commun contre le réchauffement climatique, notre « hiver » finalement.

 

            Ainsi l'anarchie pourrait avoir été la condition d'existence des États, à quoi bon se protéger dans un environnement paisible ? Et si les États et leur hiérarchie n'avaient jamais existé, l'anarchie revêtirait elle un caractère aussi nuisible ? Les groupes d'amis ne vivent-ils pas dans une anarchie harmonieuse ?

 

 

Julien Vilar


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