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Tous les chemins mènent aux Roms

"Frontières : En géographie politique, ligne imaginaire entre deux nations, séparant les droits imaginaires de l'une des droits imaginaires de l'autre". Ambrose Bierce, le Dictionnaire du Diable.

Tu les connais, ces gens qui rêvent d’un monde meilleur, assis sur les berges de la Garonne, ivres mais heureux, ils s’exclament sur la grande conspiration que sont les frontières et crachent sur la maudite société de consommation avant de ne faire qu’un plongeon maladroit dans les eaux radioactives du fleuve. Parfois même, tu te dis qu’ils ont raison, mais tu es à la faculté de droit, ce comportement est indigne de ton petit tailleur de marque (ou pas), alors tu te contentes de l’écrire dans ton journal préféré.
 

Depuis des siècles, il est des peuples qui vivent ainsi, sans Etat, sans territoires tracés. Là où notre ancien président exigeait une identité nationale, propre et uniforme, au risque de la forcer, sur le territoire français, ceux-là la portent avec eux, où qu’ils aillent.
 

Les Roms, ou « hommes » en romani, sont une branche de la population Tzigane. Aujourd’hui à 80% sédentarisés, comme c’est le cas en Espagne, les Tziganes sont un des peuples les plus anciens d’Europe.

Ayant quitté l’Inde vers l’an mille pour migrer vers notre continent, ils sont passés par la Perse, l’Arménie et l’Empire Byzantin. Ils sont désignés de différentes manières en fonction de la direction empruntée dans leur périple : Manouches ou Sinté en Europe du Nord, Roms en Europe Centrale, Gitans ou Kalés pour l’Europe Méditerranéenne.

Depuis leur arrivée jusqu’à aujourd’hui, ces peuples ont été persécutés, discriminés voire décimés. Dans de nombreux pays, ils étaient réduits d’office en esclavage. Condamnés à vie aux galères, sous le règne de Louis XIV. Ils sont également les oubliés de la Seconde Guerre mondiale. Le génocide tzigane perpétré par l’Allemagne nazie et la Croatie oustachie, à partir de 1933, a fait entre 200.000 et 500.000 victimes.


Aujourd’hui, malgré la montée des droits depuis 1945, ils sont encore regardés de travers, parce qu’ « ils volent », parce qu’ils « sentent mauvais » et vivent, en particulier dans notre État, dans des bidonvilles. Or en France, on ne tolère ni le bruit, ni l’odeur.


À compter d’une circulaire du 26 août 2012, il a été proposé différents moyens pour reloger ces individus en cas d’évacuations de campements illicites, mais elle s’est avérée peu efficace.


Dès lors, la solution la plus simple était encore de les expulser. « Les Roms ont vocation à rester en Roumanie ou à y retourner », avançait en toute simplicité le futur (et ancien) premier ministre Manuel Valls.


En 2005 un dispositif permettant à tout ressortissant de l’UE en « grande précarité » de toucher 300 euros par adulte et 100 euros par enfant pour rentrer dans son pays d’origine a été instauré. Mais quelle est la réelle nationalité d’un peuple nomade ? Nicolas Sarkozy estimait alors que les Roms « retournaient dans leur pays d’origine pour passer des vacances et acheter des cadeaux à leurs familles et après quelques semaines ils repassaient la frontière dans l’autre sens ».


Attitude qui peut s’avérer à l’image desdits « pays d’origine » qui ont accès à des fonds structurels pour favoriser l’intégration économique et sociale des Roms, mais qui souvent les détournent de leur objet initial.


Que devrait-on attendre de communautés dont seule la Cour Européenne des Droits de l’Homme semble reconnaitre la vulnérabilité et l’abandon ? Leur fonctionnement est-il en tout point critiquable ? Vers où expulser un peuple qui ne connait pas de frontière et qui, finalement, voit l’Europe comme on la rêverait, puisqu’ils en sont originaires depuis des centaines d’années ?


Voici une anecdote : Dans le sud de l’Espagne, un quartier Gitan, sédentarisé, est laissé à l’abandon depuis des décennies. Dans ce quartier une fillette issue d’une famille modeste de six enfants grandit, observe, se révolte puisqu’elle a hérité d’un légendaire sang chaud du sud ibérique. Aujourd’hui occupant un poste important de la mairie de la ville de Murcia, Rosa Martinez est à l’initiative d’un projet nommé « Iniciativa Urbana Espiritu Santo ». Depuis quelques années, elle a dirigé le projet, mobilisant professeurs, graphistes, architectes. Elle a obtenu des fonds de la mairie de Murcia et de l’Union Européenne, et en a fait un miracle auquel personne ne s’attendait. Le quartier a été entièrement refait, toujours en étroite collaboration avec les habitants. Les enfants ont dessiné la place publique dont ils rêvaient, des professeurs de danse, de peinture, de chant ont découvert une multitude de talents incroyables. Il faut les voir, les entendre, des toutes petites fillettes d’à peine cinq ans entonner des sérénades et taper du pied dans un rythme dont seules elles ont le secret, en tenue de flamenca, les sourcils froncés et l’auditoire subjugué par cet art inné.


Peut-être faut-il le tempérament volcanique d’une Rosa Martinez pour oser toucher du doigt les problématiques identitaires, culturelles, et pour passer outre les violences qui pour la plupart nous font reculer. Ou bien peut-être qu’il ne dépend que de nous de créer une Europe unie, de tendre la main à ceux qui n’osent plus la demander pour découvrir le Rom, ou bien… l’humain, selon la langue dans laquelle on s’exprime.


Julia Even


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