La banalisation d’internet a bouleversé les paradigmes des rapports sociaux et a déplacé les règles de courtoisie, d’éthique et de politesse sur un plan numérique. Sous couvert d’anonymat ou simplement parce qu’on se sent plus protégé derrière son écran, il est aisé d’oublier les règles de savoir-vivre élémentaires. Dès 1995, les membres de l’Internet Engineering Task Force (IETF), un groupe informel qui élabore et promeut des standards internet notamment les règles relatives aux protocoles internet (TCP/IP), a créé une charte constituée de bonnes manières, de politesse et de savoir-vivre sur internet afin de garantir des comportements éthiques et déontologiques. L’objectif premier de cette charte était de présenter un ensemble de bonnes manières à observer afin de garantir un comportement respectueux. Cela s’appelle la Netiquette.
Plus de vingt ans après la diffusion de cette charte, la question se pose de savoir en quoi elle reste toujours d’actualité aujourd’hui et dans quelle mesure les outils de soft law semblent être les plus à même de garantir une utilisation intègre des outils de communication aujourd’hui omniprésents et protéiformes.
La Netiquette, qu’est-ce que c’est ?
S’il ne fallait retenir qu’une seule règle, ce serait celle-ci : « Ce que vous ne feriez pas lors d’une conversation réelle face à votre correspondant, ne prenez pas l’internet comme bouclier pour le faire. » Concrètement, la Netiquette consiste en l’énumération de principes généraux de courtoisie sur internet relatifs notamment au poids des pièces jointes, à la concision et la précision des propos tenus ou à l’orthographe. La Netiquette consiste également en des principes plus précis notamment en matière de courriers électroniques (par exemple : éviter le recours aux majuscules dans le corps du texte parce que cela donne l’impression que l’on cri) ou sur les plateformes d’échanges tels que les chats ou les forums (par exemple : faire attention au cyberhumour, éviter de faire votre propre publicité). Enfin, l’un des principes fondamentaux reste que ce qui se passe sur internet se passe dans la vraie vie, et c’est la raison pour laquelle vous ne devez pas vous comporter de façon différente sous prétexte que votre interlocuteur n’est pas devant vous.
Les enjeux de l’intégrité et de l’éthique sur internet ?
Si le développement des outils numérique est source de progrès, c’est également source de beaucoup de questionnement, notamment d’ordre juridique. L'actualité juridique est riche on peut notamment citer le projet de loi est en discussion concernant la lutte contre les comportements haineux sur internet, la loi de décembre 2018 visant à lutter contre la prolifération des « fake news ». De même, les questionnements relatifs à l’identité numérique afin de lutter contre les problèmes liés à l’anonymat, ou encore les obligations de plus en plus lourdes que le législateur fait peser sur les principaux acteurs du numérique font également la Une depuis longtemps. Cela montre que le respect et le civisme sont plus que jamais d’actualité.
Les outils de soft law, une alternative efficace à l’arsenal juridique ?
Il est indéniable que les outils de soft law prolifèrent sur internet. L’auteure Bénédicte Deleporte justifie cela en expliquant « qu’internet est un média en déficit de confiance. C’est notamment pour cette raison que les chartes et les codes de bonne conduite se multiplient depuis quelques années. Mais ces chartes et autres engagements à finalité éthique ou déontologique ne sont-ils qu’un phénomène de mode sur internet, un simple outil marketing ou bien un véritable engagement juridique de la part de leurs auteurs ? ». Les autorités de régulations ont tendance aujourd’hui à inciter les organismes à recourir à ce type d’outil notamment dans le cadre de l’encadrement des médias (ex. : Directive Services des Médias Audiovisuels de 2007). De plus en plus de textes juridiques y ont également recours, c’est le cas notamment du RGPD qui impose aux entités réalisant des traitements de données à caractère personnelles (entreprises, collectivités publiques…) d’organiser en interne leur conformité à la législation et de documenter les moyens utilisés pour y parvenir.
La Netiquette semble ainsi trouver sa place dans la hiérarchie des normes, les entreprises et les tribunaux reconnaissent son existence dans le cadre de contentieux. Les guides et les chartes de bonnes pratiques ont en effet, dans une certaine mesure une valeur normative reconnue notamment dans le cadre des usages et de la coutume.
La soft law semble être l’outil indiqué pour parvenir à réguler les comportements sur internet étant donné son caractère international et protéiforme, la législation est difficile à mettre en œuvre pour des raisons notamment de territorialité et de compétence. De même, les usages évoluent très rapidement, l’adoption d’un texte juridiquement contraignant ne pouvant se faire dans la précipitation, laisser une certaine latitude aux principaux acteurs dans le domaine du numérique semble également opportun.
Laetitia BATTINI