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Le bassin méditerranéen, cerveau et coeur du numérique euro-africain

Numérique Dessin
Le bassin méditerranéen, c’est aussi et surtout un pôle d’innovation et de développement dans le domaine des nouvelles technologies. Preuve en est avec les différentes politiques mises en place dans ce domaine avec notamment la Semaine économique de la Méditerranée.

Mare Nostrum, littéralement « notre mer » référence à la Méditerranée. Les belles plages, les plus belles femmes, la belle cuisine du Sud, le soleil qui fait chanter les cigales et trinquer le pastis. Petit univers à part qui fait la jonction entre 3 continents et réel creuset de culture humaine diverse et variée. Berceau et théâtre des premiers grands Empires qu’ils soient guerriers, culturels ou intellectuels. Bref, un petit paradis sur Terre. Mais si certains parleront mieux de l’aspect historique, culturel ou intellectuel de cette région du globe, il serait naïf de penser que le bassin méditerranéen se cantonne à n’être qu’une vitrine des arts et cultures locales en plus d’être un endroit rêvé pour passer ses vacances. Le bassin méditerranéen, c’est aussi et surtout un pôle d’innovation et de développement dans le domaine des nouvelles technologies. Preuve en est avec les différentes politiques mises en place dans ce domaine avec notamment la Semaine économique de la Méditerranée (organisée par l’Ocemo, l’Office de coopération économique pour la Méditerranée et l’Orient et qui se tient à Marseille), mais également par le fait que ce territoire est propice au développement des outils nécessaires au bon fonctionnement d’internet et autres réseaux numériques. Revue de tout ceci plus en détail.

 

Internet, c’est magique. On achète une box internet, on paie un abonnement chez un fournisseur d’accès à internet (FAI) et y’a plus qu’à connecter son ordinateur à la box pour aller voir des vidéos de petits chats trop mignons sur Youtube. Évolution des temps et des technologies, on peut également le faire depuis son téléphone, juste en activant la 3G/4G. Magique je vous dis ! Mais concrètement, comment ça fonctionne ? Parce qu’en vrai, quand on se connecte à sa box ou en 4G pour mater les replays de TPMP histoire de bosser sa culture générale le soir après son cours de clavecin baroque, on se connecte simplement à une box ou une antenne relai. Et comment internet arrive jusqu’à votre box ou l’antenne 4G plantée sur le toit de votre voisin, futur cancéreux du cerveau ? Et surtout, c’est quoi le rapport avec la Méditerranée ? Et bien tout simplement - et sans rentrer dans le détail parce que la dernière émission de TPMP nous a déjà bien fait travailler nos neurones, et que cet article n’a pas vocation à remplacer un cours d’une prépa ingénieur - Internet passe par des câbles sous marins, et par des points relais (les serveurs sur lesquels sont stockés tous les sites internet ainsi que les fameux data centers) qui ont dispatchés un peu partout sur le territoire. Et vous savez quoi ? Une grosse partie de ses câbles sous marins se trouvent en Méditerranée !

 

Sans transition, comme l’a relevé Philipe de Fontaine Vive, co-président de l’Ocemo et organisateur de la Semaine économique de la Méditerranée, pas moins de « treize câbles sous-marins passent aujourd’hui par notre ville [ndlr, Marseille]. Ils innervent 5 milliards d’individus en Europe, Afrique, Moyen Orient et Asie ». Cela a pour conséquence de placer la plus vieille ville de France directement sur le devant de la scène de ce marché en pleine explosion, et qui sera l’un des piliers économiques dans un avenir très proche. La présence de ces câbles sous-marins incite naturellement certains types très particuliers de sociétés à venir s’implanter sur le territoire, comme c’est le cas par exemple pour Interxion qui est le deuxième opérateur de data center dans le monde. Ce qui représente de très gros investissements financiers de la part de ces sociétés (on parle tout de même de 180 à 200 millions d’euros rien que pour Interxion), mais également une source créatrice d’emplois en constante évolution à la hausse.

 

Si l’enjeu du développement de la politique et des emplois dans le numérique est important en France, il l’est encore plus pour nos voisins de l’autre rive qui entrent de plain-pied dans les connexions à très haut débit grâce aux premiers câbles de fibre optique qui pointent le bout de leur nez, en bénéficiant ainsi d’une avancée technologique très importante ; ils peuvent ainsi sauter plusieurs étapes par lesquelles ont du passer des pays comme la France lors du « simple » haut débit. Et encore une fois, c’est un marché juteux - en plus d’être utile - que les entreprises et startups françaises ont bien l’intention de conquérir. Kevin Polizzi, fondateur et président de Jaguar Network, invité à la Semaine économique dresse ce constat qu’aujourd’hui « plus d’un millier de startups européennes dopent l’économie et regardent comment ajouter l’Afrique à leur cible commerciale à moyen terme »

 

Mais si les startups de toute l’Europe s’intéressent de plus en plus à l’Afrique comme nouveau marché potentiel, les politiques européennes y vont de leur couplet, avec par exemple l’intervention de Johannes Hahn - commissaire européen à l'élargissement et à la politique européenne de voisinage - lors de cette Semaine économique de la Méditerranée. Ce dernier, en bon représentant d’une Europe de marché, a tenu un discours libéral dans lequel il a expliqué que « [dans les pays au sud de la Méditerranée] le business apporte de l’emploi (…) il s’agit d’attirer les compagnies en Méditerranée pour donner aux gens l’opportunité de rester dans leur région » tout en expliquant qu’il fallait développer de nouveaux axes d’économie car le tourisme y est vulnérable en raison du terrorisme et de Daesh. Merci Captain Obvious !

 

Seulement voila, une politique européenne d’aide aux pays africains - car oui, l’Europe participe beaucoup au développement économique avec sa PEV (politique de voisinage) - c’est bien beau, mais on a encore l’impression d’assister à la mère Europe qui prend soin de ses petits pays d’Afrique qui ont tant besoin d’aide (en sociologie on parle de néocolonialisme en ce sens que d’anciennes puissances coloniales tentent de maintenir une certaine domination économique et/ou culturelle sur ses anciennes colonies). Mais il faut bien voir que l’Afrique sait également prendre soin d’elle toute seule, et mettre en place des politiques qui lui sont propres. Pour cela on peut prendre l’exemple de la Tunisie.

 

« Ce sont les rêves qui font avancer le Monde et les Nations… mais les rêves seuls ne suffisent pas. Il faut non seulement y croire, mais aussi tracer le chemin pour y arriver (…) Nous avons un rêve, une vision pour notre pays : Devenir une référence numérique internationale et faire des TIC un levier important pour le développement socio-économique » C’est par ces mots que Taoufik Jelassi, ministre tunisien de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des TIC (Technologies de l’Information et des Communications) entre 2014 et 2015, a ouvert le séminaire de travail « Korba 2014 » qui visait à définir la ligne de conduite à tenir pour le plan quinquennal « Tunisie Digitale 2018 »

 

Mais alors, concrètement, ce plan « Tunisie Digitale 2018 » il correspond à quoi ? Quelles en sont les grandes lignes ? Comment l’outil numérique a-t-il été approprié pour changer, moderniser, l’exercice du pouvoir politique en Tunisie. Sept axes stratégiques ont été mis en avant lors du séminaire « Korba 2014 » dont deux directement en rapport avec les TIC : le premier de ces axes stratégiques étant d’implanter la culture du numérique dans les cursus éducatifs grâce à l’usage des TIC ; le second étant d’améliorer la compétitivité des entreprises, quel que soit le secteur grâce à l’investissement dans les TIC et l’économie numérique.

 

Les TIC ne sont évidemment pas les seuls éléments sur lesquels la Tunisie compte se reposer pour percer dans le domaine du numérique. S’il est important de relever que les deux axes précédemment évoqués permettent aux jeunes générations de bénéficier, a priori, d’une meilleure connaissance de l’outil informatique, et aux entreprises d’avoir un cadre législatif/économique favorable au développement des nouvelles technologies, la Tunisie compte également moderniser son administration en « évoluant vers une e-Administration ». Et pour ce faire, deux chevaux de bataille : augmenter les niveaux de différents index NRI ou ONU d’une part (vision numérique du gouvernement et succès de la promotion de l’e-Administration pour l’index NRI ; Online services et e-Participation pour l’index ONU), et d’autre part développer et promouvoir le numérique dans l’administration en « évoluant vers des services en ligne transactionnels et connectés orientés Citoyen » …

 

Petit instant Wikipédia, l’index NRI « mesure la propension des pays à exploiter les opportunités offertes par les technologies de l'information et des communications (TIC) » et l’index ONU est assez trouble, mais mesure différents éléments au même titre que l’index NRI. On est bien avancé avec tout ça dit donc. Si on est bien en peine pour trouver ne serait-ce qu’un exemple concret à mettre en place pour réaliser ce plan « Tunisie Digitale 2018 », on ne peut qu’encourager et féliciter ce type d’initiative, même si il est indéniable que d’ici 5 à 10 ans maximum, chaque administration de chaque État se devra d’être dotée d’une vraie politique tournée vers le numérique.

 

Un tel dynamisme, une telle volonté de modernisme et d’innovation, voila qui devrait servir d’exemple à notre vieille France, complètement à la ramasse quand il s’agit de comprendre le numérique, et plus encore de l’appliquer à notre administration. Entendez bien, comment voulez vous que ces sexagénaires (pour les plus jeunes) qui nous dirigent puissent y comprendre quoi que ce soit quand la dernière technologie qu’ils ont utilisée remonte à l’époque du minitel (3615 Ulla, les vrais connaissent) … Comment ?! Une étude récente menée par le Conseil d’Analyse Économique démontre que l’administration française est celle qui est le plus à la pointe en terme d’e-Administration parmi les États européens ?! Et oui, l’administration française est bien celle qui propose le plus de services directement accessibles en ligne. Mais, parce qu’il y’a toujours un mais, les français.es n’en n’ont que faire. Une autre étude, européenne cette fois, montre que si 61% des particuliers en France sont entrés en contact avec une branche de l’administration via internet, seuls 42% ont transmis les formulaires entièrement complétés via Internet. Nous sommes donc dans le pays avec l’offre la plus grande, mais dont personne ne se sert. Paradoxal n’est-ce pas?

 

Pour revenir plus sérieusement au sujet qui nous intéresse, le numérique dans le bassin méditerranéen, il est intéressant de noter que l’Afrique attire effectivement de plus en plus les investissements mondiaux, avec une croissance constante de 5% depuis une dizaine d’année desdits investissements. Mais si l’Afrique bénéficie de plusieurs avantages certains comme on a pu en parler jusqu’à maintenant, si une dynamique forte a été mise en place, il n’en demeure pas moins qu’elle n’en n’est qu’aux « prémices », qu’elle a encore beaucoup à apprendre - même si elle a énormément à offrir - et que des rencontres comme la Semaine économique de la Méditerranée sont réellement bénéfiques à tout un chacun. Elles permettent en effet de connecter l’expérience des uns aux idées des autres, et d’accélérer d’autant l’évolution et le développement du numérique.

 

Pour terminer avec une conclusion un peu moins heureuse que le reste de l’article, et rappeler à quel point l’outil numérique est un outil démocratique puissant et nécessaire, raison pour laquelle certains n’hésitent pas à le dresser comme un nouveau droit fondamental, il est utile de se souvenir de la période 2010 ~ 2014, communément appelée « Printemps arabes ». À moins d’avoir vécu reclus dans une grotte ses 7 dernières années, tout le monde a au moins entendu parler des différents printemps arabes, et plus encore de l’importance que les outils numériques ont pu jouer dans ces différentes contestations populaires.

 

Sans rentrer dans le détail de pourquoi ces révoltes ont eu lieu (ni parler du bien fondé ou non de celles ci), si il y a une chose à retenir de ce qui s’est passé d’un point de vue « numérique », c’est que rien de ceci n’aurai pu arriver sans un internet libre. Le développement des TIC permet en effet la mise en place d’une circulation horizontale de l’information : ce n’est plus une hiérarchie verticale où un organisme spécifique décide de ce qui est ou n’est pas transmis à la masse. Grâce à Internet, aux TIC et aux nouvelles technologies, c’est la masse elle même qui partage les informations qu’elle décide de partager. Et sans censure. Enfin, en pratique. Parce qu’à l’époque, les différents Gouvernements en place ont tout fait pour étouffer ce média qui leur échappe, pour censurer celles et ceux qui partagent - au risque de leur vie - leur opinion.

 

Petit détail honteux mais nécessaire à connaitre, si les Gouvernements en place avaient réussi à garder autant la mainmise sur internet et empêcher autant que possible la fuite d’information, c’est grâce à nous (Cocorico), grâce à nos différents Gouvernements qui ont facilité la vente de technologies françaises ainsi que de logiciels de surveillance  et de censure d’internet  à grande  échelle. On peut prendre l’exemple d’Amesys, heureusement épinglé par le Wall Street Journal (qui donna lieu à une inculpation pour complicité d’actes de tortures en Libye).

 

Jonathan Peccini


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