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Café débat : Les Fakes news et les réseaux sociaux

Le vendredi 22 novembre à 17h30 a eu lieu le premier café débat de l’association M1 Droit du numérique, organisé Amphithéâtre Valade.
Afin de répondre aux questions sur le sujet, trois intervenants étaient présents : Claire Rossi, chargée de travaux dirigés en droit européen du numérique également en train d’effectuer une thèse sur les fake-news ; Thomas Bugada, rédacteur en chef du Décodé ; et Julien Vilar, président du Décodé.


Qu’est-ce qu’une fake news d’un point de vue juridique ?

 

Claire Rossi, doctorante en droit des médias spécialiste de la question des fake news : Le terme de « fake news » est traduit en français par « fausse information », définition erronée puisque fausse donne en anglais « false » ; « fake » renvoyant, selon ses propos, davantage à la notion de fabriquer, faire. La notion de fake news renvoie donc à une information qui cause un effet, souvent un trouble à l’ordre public, valorisé par les réseaux sociaux. Il s’agit donc d’une sorte de propagande, d’« intox », soit d’une information fallacieuse. Plus précisément, il existe 3 types de troubles informationnels : désinformation, mésinformation (erreur volontaire), malinfomation (manipulation à partir de la fuite de donnée). Juridiquement, on peut donc considérer que la fake news consiste en de la désinformation puisqu’il s’agit de propager des fausses informations pour affaiblir un camp en les exposant comme des informations fiables. La loi du 22 décembre 2018 définit la « fausse information » afin de la faire entrer dans le code électoral, il s’agit de toute allégation inexacte ou trompeuse du scrutin à venir. Le champ d’application est donc réduit. Cette définition est similaire à cette faite à la loi de 1981. On la distingue de la satire et de la parodie. Cette définition soulève plusieurs questions : -Sur quoi le juge des référés fondera-t-il son interprétation pour qualifier une information de fake news en moins de 48h? -Comment le juge peut établir que l’information est de nature à altérer le scrutin ? -Doit-on obligatoirement faire cesser la diffusion d’une fausse information qui n’apporte pas de manière apparente un trouble au scrutin?

 

Thomas Bugada, rédacteur en chef du décodé : Récemment une décision a été rendue à propos de l’affaire du tweet du ministre de l’intérieur Christophe Castaner concernant la supposée invasion de personnes dans l’hôpital de la pitié salpêtrière. Le juge des référés a été saisi par l’opposition pour faire cesser la diffusion. Lors du prononcé de son verdict, le juge a décidé que l’on ne pouvait en l’espèce pas retenir le critère de diffusion massive (ce qui peut être critiqué) ni l’atteinte à un scrutin (alors que l’impact sur les élections européennes aurait pu être retenu). Sur le caractère trompeur de l’information, le juge a estimé qu’elle était juste exagérée. Il semble que la loi du 22 décembre 2018 ne vienne saisir un phénomène juridique uniquement à partir de l’expérience d’Emmanuel Macron pendant l’élection présidentielle. Autrement dit, en bloquant la loi au seul caractère électoral, on donne une réponse juridique à un domaine trop circonstancié, il s’agit ici d’une « occasion manquée ».

 

Julien Vilar, président du décodé : Un parallèle peut être dressé avec les théories du complot. Néanmoins, tandis que les fake news ont un but politique précis, les théories du complot se fondent sur le fait que pendant longtemps les gens croyaient aux histoires fantastiques.

Les fake news ont un aspect plus psychologique. Cependant, le point similaire réside dans le fait que les gens sont convaincus et il est compliqué d’argumenter contre eux.

 

Le caractère fallacieux de l’information peut-elle varier selon la portée de l’élection ?

Thomas Bugada : Oui, selon le responsable politique il pourra y avoir une nuance selon la personne qui diffuse l’information. Il faut en effet que la désinformation ait pour conséquence un préjudice direct pour les élections. La jurisprudence est très limitée (pour l’instant une seule décision : celle de l’affaire Castaner en 2019). Le juge a estimé que l’affaire ne prenait pas en compte tous les éléments de la définition. Finalement, on peut dire que la loi de décembre 2018 est assez aveugle.

 

Comment le CSA régule-t-il les fake news ?

Claire Rossi : La loi de 2018 ne donne pas de prérogatives au CSA en dehors de la période électorale. Toutefois, d’autres lois comme la loi Avia sur le cyber harcèlement ou la directive droit d’auteur de 2019 donnent d’autres pouvoirs au CSA et notamment des possibilités de sanctions.

 

Julien Vilar : La limite entre la liberté d’expression et les fake news peut être parfois fine et floue. Si le CSA veille à limiter l’apparition de fake news, le Conseil d’Etat fait pression sur le CSA pour que ne soit pas porté atteinte à la liberté d’expression.

 

Thomas Bugada : Le problème principal des fake news est qu’elles sont très faciles à faire et ne peut pas passer que par la censure juridique. En effet, le directeur du monde expliquait que le problème n’était pas la législation, mais plutôt le fait que les gens y croient sans opposer de résistance. Plus généralement, le problème est donc que les gens renoncent à la complexité du monde et passe par la « simplification » et donc diffusent l’information qui va dans leur sens. Une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a révélé que plus de 50% des articles diffusés sur Facebook diffusant des Fake news ne sont même pas lus par les gens qui les diffusent. Le problème de la régulation juridique des fake news, c’est que comme le précise le CSA par un article paru au Dalloz, le juge n’a « pas vocation à être l’arbitre des politiques électorales ».

 

L’encadrement des Fake news ne risque-t-il pas de ternir le statut juridique des lanceurs d’alerte si cette appellation est utilisée contre eux ?

 

Julien Vilar : La force du lanceur d’alerte ne vient pas forcément des faits dénoncés mais plutôt des médias. Si personne n’en parle l’alerte n’est pas lancée. Le meilleur rempart contre la fake news est le journalisme, les professionnels sont chargés de vérifier leurs sources. Par ailleurs, dans de nombreux cas, les journalistes ont été partis prenantes de la révélation des « alertes ». Ainsi, Snowden a pu voir son propos diffusé grâce aux journalistes qui l’ont soutenu.

 

Régulation et éducation sont-elles complémentaires ?

Thomas Bugada : Les deux peuvent être liés : la loi indique une conduite mais son aspect répressif peut être anti productif. Néanmoins, l’éducation est fondamentale, puisqu’il est primordial de former les nouveaux utilisateurs et d’avoir un esprit critique face à ce qui se trouve sur internet.

 

Qu’en est-il de l’autorégulation des plateformes ?

Claire Rossi : Les pouvoirs publics ont laissé le pouvoir aux plateformes qui ont fait leurs propres lois. Si elles ont choisi de réguler les fake news, c’est parce que sinon elles risqueraient d’être victime de mauvaise publicité. Si l’on voulait vraiment favoriser l’autorégulation, il faudrait réviser la directive de 2000 pour leur donner une nouvelle qualification, différente de celle d’hébergeur. Par ailleurs, cela pose la question de savoir comment réguler tant d’informations d’un point de vue matériel.

 

La régulation est-elle finalement impossible ?

Claire Rossi : La seule voie législative ne permettra pas de tout réguler. Il est nécessaire d’avoir une combinaison de plusieurs solutions via des filtres, une (auto) régulation, et de l’éducation où chacun des acteurs a un rôle à jouer.

 

Peut-on vraiment parler d’inflation législative alors que fake news constituent un fait juridique nouveau dans la société ? Peut-on envisager la possibilité de compiler ces législations au sein d’un code ?

 

Thomas Bugada : On parle d’inflation législative dès lors que la loi de 2018 fait doublon avec d’autres lois et d’autres mécanismes déjà existants. Néanmoins, il serait peut-être judicieux d’élaborer un code commun de l’internet.

 

Julien Vilar : Le problème principal que pose l’inflation législative est de croire que l’on a besoin d’une loi pour tout. Cela devient un réflexe qui risque d’écarter des choses aussi simples que les normes sociales et les valeurs. En effet, l’État est au départ chargé de maintenir la paix sociale et non pour tout réguler.

 

Claire Rossi : L’un des écueils de la loi de décembre 2018 est qu’elle a été adopté à la suite d’une proposition de loi, qui contrairement à un projet de loi ne nécessite pas une d’analyse d’impact. En effet, il s’agissait simplement d’une loi d’opportunité. Le problème reste qu’à faire trop de loi, les personnes ne savent plus laquelle se référer.

 

D’où doit venir la régulation ?

Claire Rossi : Les Fake news étant un problème international, il semblerait judicieux que la solution soit européenne.

 

Julien Vilar : Sans cadre international, on ne peut pas mondialiser. A chaque fois on trouve un moyen pour contourner un interdit.

 

La régulation des Fake news ne devrait-elle pas passer par la régulation des données personnelles ?

Julien Vilar : L’historique de navigation peut effectivement jouer dans l’apparition de fake news dès lors que l’algorithme propose des contenus qui vont plaire aux utilisateurs. On peut citer l’exemple des gilets jaunes qui se sont radicalisés suite à des informations ciblées. Néanmoins, il semble qu’un internet totalement impersonnel soit impossible.

 

Claire Rossi : Les algorithmes sont sources de bulles de filtres. En effet, par exemple sur Facebook, on peut facilement avoir la sensation que tous nos amis ont le même avis que nous. Il s’agit d’un paramétrage de l’algorithme, il est programmé pour mettre en avant le contenu susceptible de plaire à l’utilisateur. Pour percer cette bulle, il faut varier les amis et les thématiques auxquelles on s’intéresse.

Une étude du CSA a démontré que l’algorithme des grandes plateformes est neutre mais qu’il crée la bulle de filtre grâce à nos données.

 

 

Compte rendu réalisé par Rousset Chloé et Beugner Pauline

 

Le Décodé remercie les organisateurs de l’événement pour leurs invitations ainsi que l’ensemble des étudiants du Master Droit du numérique et le public présent pour leurs interventions lors du débat (ndlr).

 


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