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Entretien avec Nathalie Sonnac, membre du CSA et grand témoin du colloque
Le Décodé : Bonjour Madame Sonnac, vous êtes membre du CSA, professeur des universités en économie et en science de la communication, membre du Lab.CSA ? Quelles sont vos impressions à l’issue de ce colloque « Diversité(s) et médias » retranscrit en LSF (N.D.L.R. : Langue des Signes Française), une première en France ?
Nathalie Sonnac : Bonjour ! Tout d’abord je suis très contente d’être le grand témoin de ce colloque notamment sur ce thème de la « diversité » qui est fort instructif. Le travail que nous menons au CSA me permet de découvrir la réalité des inégalités de traitement des minorités dans leur ensemble. Toutefois, cette terminologie de « minorités » ne me semble pas appropriée. Si l’on considère qu’il existe une minorité de personnes handicapées, quant au nombre, ce n’est pas le cas dans les questions d’égalité ou de parité femmes-hommes, il ne s’agit pas de minorités car une personne sur deux dans la société est une femme. Néanmoins, cet événement fut très enrichissant sur le sujet de la LSF et la possibilité d’avoir une traduction, et une communication, quasi-instantanée ; ainsi que sur les productions scientifiques des personnes sourdes et malentendantes. Cette pensée scientifique doit être traduite pour que l’on puisse la comprendre ! Ces échanges étaient extrêmement fructueux et je suis très heureuse de pouvoir y participer à l’université, car comme vous le rappelez, je suis professeur des universités. Un lieu de savoirs, de rencontres et d’échanges ! Je félicite les étudiants du Master 2 Droit des médias d’avoir monté ce colloque et permis ce mélange d’individus et d’individualité qui n’ont pas toujours l’occasion de se rencontrer, en tout cas pas suffisamment !
D’ailleurs, durant le colloque, il y eut une discussion sur le terme de « diversité » et sa pertinence. Que faut-il entendre par « diversité » selon le CSA ? Et est-ce qu’il y aurait un terme plus approprié pour englober tous les citoyens de la République ?
Ce terme me gêne également dans la mesure où il n’est pas suffisamment agrégatif de l’ensemble des diversités et de leur multiplicité. Cependant, le fait d’avoir intitulé le colloque « Médias et Diversité(s) » avec le « S » de « diversité » entre parenthèses avait une signification ! Toutes les diversités dont on parle, même si elles ne correspondent pas à la réalité ou que l’on ne comprend pas la même chose les uns et les autres derrière ce terme, nous nous sommes intéressés à leur traitement médiatique. Il est important que l’on ait pu aborder les questions traitées par la loi via le CSA, garant de cette liberté de communication, de voir comment les médias traitent, ou ne traitent pas, du handicap, du sport féminin, de la parité, de nos aînés, des précaires. Finalement, on peut aussi s’interroger sur le rôle des médias : est-ce que les médias et leurs productions sont le « miroir » de la société dans laquelle nous vivons ? Ce colloque appelle bien sûr à de nouvelles questions dont une grande partie fut posée lors de celui-ci, celles-ci m’ont conduit à avoir de nouvelles réflexions !
En revenant sur le rôle des médias, est-ce que le public peut aussi jouer un rôle dans sa consommation médiatique ? Par exemple, le phénomène d’ « agenda setting » peut conduire les médias à prioriser certaines informations ou certains contenus selon les attentes, ou non, du public. Le public a-t-il un effort à effectuer sur les contenus qu’il écoute, regarde ou même télécharge ?
Selon moi, le public est indispensable ! Chaque individu se doit d’être responsable, citoyen ! C’est aux individus de se prendre en main, de considérer si tel ou tel média produit une « fake news », par exemple, à ne pas la reproduire, à la dénoncer plutôt qu’à la partager ! Effectivement, l’école m’apparaît comme indispensable pour y parvenir, il faut y aller le plus longtemps possible afin d’apprendre tout au long de sa vie ! C’est en apprenant que l’on devient un citoyen responsable, actif, participatif et pas simplement passif.
Merci Madame Sonnac pour cet entretien !
Entretien réalisé par Julien VILAR
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Entretien avec Noémie Churlet, directrice de l’association Média’Pi, comédienne et animatrice sourde de télévision française
Le Décodé : Bonjour Madame Churlet, tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer vos actions, votre activité, en ce qui concerne Média’Pi ?
Noémie Churlet : Mon travail est de développer et de gérer un média en ligne qui permet de réunir deux publics français ayant deux modes de communication différents : les sourds et les entendants quelques soient leurs choix de langue : la langue des signes française ou la langue française.
Quelles ont été vos impressions à l’issue du colloque « Diversité(s) et médias » traduit en Langue des Signes Française ?
J’ai été bien sûr ravie de pouvoir avoir accès à cette conférence en LSF. Cela me nourrit et me permet de comprendre le fonctionnement des médias en général et leurs situations économiques mais aussi des discriminations que certains peuvent subir (la place des femmes, des DOM-TOM, des personnes handicapées…). Et que je puisse m’exprimer. Que je puisse tisser des relations professionnelles.
Avez-vous l’habitude de participer à ce type de manifestation ?
Le média en ligne Média’Pi est jeune, il a tout bientôt un an (le 16 avril). Je commence à être invitée dans des manifestations de ce type, permettant de me familiariser aux domaines journalistiques, voire même plus, dans d’autres thématiques comme l’économie sociale, etc.
Que pensez-vous de l’intervention du CSA lors du colloque ?
C’est la première fois que je peux « écouter » une intervention du CSA. Je pense que sa présence est utile et il est important qu’il puisse communiquer avec le public et les professionnels. Cela me fait également comprendre qu’il n’a pas vraiment un grand pouvoir auprès les chaînes télévisées. En particulier envers les obligations d’accès aux personnes sourdes surtout, aucun dispositif obligatoire pour informer les personnes sourdes : que ce soit en Langue des signes française ou via des sous-titres en français pour des informations d’urgence, comme l’État d’urgence, les catastrophes naturelles etc., cela me donne à comprendre qu’il a la même place que l’ONU, qui peut juste dire qu’il faut respecter mais n’a aucun pouvoir à faire respecter…
Enfin, en tant que représentante d’un média mixte (tant destiné aux personnes sourdes qu’entendantes), pensez-vous que le public peut aussi jouer un rôle dans sa consommation médiatique et peut être faire avancer les choses ?
S’ils participent au modèle économique et interviennent dans les commentaires pour favoriser les échanges, oui bien sûr.
Merci Madame Churlet pour cet entretien !
Entretien réalisé par Maïlys NAJAC