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Le vote électronique, une technique trop immature pour les élections institutionnelles

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À l’approche des élections législatives européennes qui débuteront le 23 mai 2019, et face à l’abstention qui les caractérisent – lors des dernières élections en 2014 seuls 42 % de la population française s’était déplacée pour voter –, la possibilité d’un vote dématérialisé pourrait sembler en partie répondre au problème. Il semble donc opportun de revenir sur ces modes alternatifs de scrutin et d

Le vote électronique, qu’est-ce que c’est ?

 

Le vote électronique désigne un terme générique qui fait référence à différentes techniques de scrutin. Cela qualifie les machines à voter qui sont des boitiers ou des ordinateurs qui permettent le vote interactif. Les machines à voter sont, la plupart du temps utilisées en France lors d’élections professionnelles. Les atouts principaux de ce mode d’élection sont la vélocité du processus de traitement des suffrages exprimés. Ces machines sont utilisées lorsque le bulletin secret n’est pas nécessaire, c’est le cas lors des élections en entreprises, mais également pour certains votes parlementaires. L’intérêt principal de ces outils est la simplicité et la vitesse du traitement de l’information et son caractère informel. Mais elles ne sont pas utilisées en France pour les élections à bulletin secret. Les États-Unis ont cependant développé des technologies permettant de concilier les bulletins papier et le comptage des suffrages exprimés grâce à des systèmes de lecture optique notamment.

 

Le vote électronique désigne également le vote à distance grâce à l’utilisation d’internet. Ce système permettrait à tous les votants de s’exprimer de chez eux ou de l’endroit de leur choix. L’un des arguments en sa faveur est qu’il permettrait de lutter contre l’exclusion de certains citoyens, par exemple ceux qui résident à l’étranger. Cependant, le vote à distance ne donne aucune garantie quant à la vérification de l’identité de la personne qui s’exprime. C’est l’une des raisons pour lesquelles il n’a pas été généralisé. Ce dernier mode de scrutin a été au cœur de différents débats politiques et juridiques notamment dans le cadre de l’expression des français établis à l’étranger. Ce mode de scrutin avait été généralisé aux Pays-Bas, mais face aux difficultés liées à l’identification des votants, le retour au bulletin papier a été décidé en mai 2008.

 

Qu’en dit la loi ?

 

Sur les machines à voter, leur utilisation est autorisée depuis 1969, à l’époque le terme utilisé était d’avoir recours à « des objets entièrement mécaniques ». En 2002, lors des élections présidentielles, trois villes testèrent les « urnes électroniques ». Le 25 avril 2007, le Conseil Constitutionnel a publié un communiqué dans lequel il déclare soutenir l’utilisation des machines à voter. Cependant, son bilan du second tour des élections présidentielles (point n°4) publié la même année s’avère mitigé et relève des problèmes liés à l’anonymat des votants et des problèmes de fraude spécifiques à ces types de machines. Le 27 avril 2012, un arrêté définit les modalités du traitement automatique des données dans le cadre des élections et est venu modifier l’article R.176-3 du code électoral qui a depuis été modifié par le décret n°2017-306 du 10 mars 2017 relatif au vote des français résidant à l’étranger. D’une façon générale, les machines à voter ont fait l’objet de nombreuses circulaires depuis 2004. Ces textes se fondent sur les articles L.57-1, L.58, L.62 et suivants, L.69 et L.116 du Code électoral. L’article L.57-1 dispose notamment que « des machines à voter peuvent être utilisées dans les bureaux de vote des communes de plus de 3500 habitants (…) ». La doctrine1 semble s’accorder pour dire que le fondement de la circulaire n’est pas efficace, faisant, à tort peser, la responsabilité sur l’agent public, et leur contenu n’est pas assez précis quant au mode d’emploi de ces machines. Il en résulte que la plupart des mairies n’y ont pas recours par manque de moyens, car le prix de ces machines est trop élevé au regard du budget de ces communes. Celles qui en ont les moyens ne les utilisent pas à cause de la complexité et de l’incertitude qui entoure leur utilisation. Les mairies souhaitent, en effet, éviter de voir les scrutins contestés devant le juge de l’élection.

 

S’agissant du vote à distance, l’utilisation d’internet pour les élections a également été le sujet d'expérimentation depuis 2003. En effet, la possibilité d’avoir recours au vote par internet avait été offerte par la loi du 28 mars 2003 pour le cas particulier des français résidant à l'étranger. Il a notamment été utilisé pour des élections consulaires en 2014, mais son utilisation a été suspendue pour les élections législatives de 2017 à cause de nombreuses cyberattaques relevées dans plusieurs pays. Le ministère de l’Intérieur s’est saisi de la question du vote électronique en 2017. L’ancien ministre de l’Intérieur prévoyait dans sa feuille de route de septembre 2017, de « garantir l’exercice des droits fondamentaux en adaptant leurs modalités d’exercice aux évolutions sociales et technologiques ». Cela s’accompagnait de la volonté notamment de rendre le droit de vote plus simple et plus accessible. Mais également de construire une identité numérique sécurisée. Le calendrier prévoyait de collaborer avec l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) afin de développer et proposer à la Commission européenne un schéma d’identification. La mise en place d’une réelle identité numérique permettrait de résoudre les problèmes d’identification des votants dans le cadre du vote à distance.

 

Cette année, le gouvernement doit faire une série de propositions dans le but de mettre en œuvre le vote électronique. Mais il a déjà été annoncé que parmi ces propositions, la Place Beauvau préconiserait l’abandon définitif des machines à voter.

 

Les risques liés au vote par internet.

 

L’ANSSI s’est prononcée en faveur du moratoire sur le vote électronique dans un communiqué de janvier 2017. Guillaume Poupard, le président de l’Agence de sécurité, a précisé que malgré plusieurs tentatives effectuées dans le but de garantir un système sécurisé, les rapports montrent encore des failles trop importantes pour généraliser le vote à distance.

 

Lors d’une conférence de presse, le président de l’ANSSI a expliqué que le risque principal qui pesait en matière de vote électronique était une atteinte à l’image de la démocratie. En effet, une attaque pourrait consister à rendre le site indisponible pendant la durée des élections, corrompre ou effacer les bases de données. Il existe également, dans une certaine mesure, des risques liés à l’exploitation des données en tant que telles, avec par exemple la publication de la liste de noms des personnes ayant voté pour tel candidat ou parti. Par ailleurs, les statistiques ont montré que les machines à voter n’entrainaient pas une diminution significative des files d’attente dans les mairies, rendant l’argument de la rapidité inopérant. Le contexte électoral n’est pas non plus favorable à l’expérimentation, plusieurs suspicions de cyberattaques ayant influencé des élections ont été répertoriées ces dernières années.

 

Ainsi, Guillaume Poupard achève son communiqué en rappelant que la généralisation du vote électronique restait un objectif, mais que le niveau de sécurité actuel n’est pas suffisant pour garantir l’intégrité des prochaines élections.

 

Laetitia BATTINI

 

 

 

1. V. par ex. G. Koubi, « Les circulaires relatives à l’utilisation des machines à voter lors des scrutins politiques », JCP administration et collectivités territoriales n°6, 8 février 2010, 2058 ; D. Hedary, « Quelle est la place des circulaires dans les services déconcentrés », Cahier de la fonction publique juillet-aout 2009, p.16 à 19 ; P. Sablière, « Une nouvelle source du droit ? Les "documents référents" » AJDA 2007, p.66.


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