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Manège de coquetterie sur Tinder et respect de la règle de droit

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Ça y est, vous avez enfin réussi à adapter votre méthode de drague Tinder (ou autre : être jeune, c’est expérimenter !) à la directive 95/46 sur le traitement des données personnelles. Mais c'est le drame : vous, juriste n'ignorant nullement la loi et le règlement, parfaitement alerte et consciencieux lecteur du journal officiel tous les matins devant votre café au Papagayo, découvrez que le RGPD

Plus grave encore, la CJUE a décidé de rendre un arrêt Wirtschaftsakademie, qui rend l'administrateur d'une page Facebook conjointement responsable du traitement des données personnelles (CJ, 13 juillet 2018, n° C-210/16) opéré par le réseau social. L'administrateur permet en tirant un avantage de faire bénéficier à Facebook de données ; il est donc aussi responsable de ces données.

 

À la lecture du journal officiel, vous expulsez balaenopteriquement votre café sur l'étendue de la terrasse du Papagayo. En bon juriste en errance affective la plus absolue, vous aviez tenté de vous réfugier auprès de l'application Tinder dans le respect consciencieux du droit applicable. C'est bien connu, le droit ne peut qu'apporter du bien. Curieusement, tous vos efforts n'avaient pas été des plus concluants en dépit de votre élégance vestimentaire et de votre répertoire bien garni de blague de juriste. 

 

Du choc vous passez au déni, du déni à la peur, de la peur à la colère et de la colère à la haine. Par miracle, vous échappez au côté obscur pour achever votre deuil de la directive 95/46 en acceptant finalement le RGPD comme nouveau cadre de vos potentiels ébats numériques, d'autant plus que, par chance, personne n'a pensé à vous inviter pendant les vacances d'été, ce qui en fait l'occasion rêvée d'actualiser vos célèbres blagues de juriste au RGPD. C'est donc avec joie que vous avez échappé aux torpeurs de l'été bien confortablement installé à votre bureau, bien loin des risques du monde extérieur avec pour seul objectif d'anticiper l'engagement de votre responsabilité sur Tinder. Vous êtes donc dans la prospective (et le fantasme) juridique car pour le moment le RGPD exclu les usages privés de données personnelles de son champs d'application. Je m'appelle X et voici le résultat de mon été. Se dressent trois points à savoir pour aspirer à la compliance avec le RGPD : son applicabilité à un utilisateur Tinder, les sujets abordables et l'évidente question de la capture d'écran à un ami.

 

Le RGPD ne s'applique théoriquement pas à une conversation Tinder, mais les récentes évolutions jurisprudentielles (Wirtschaftsakademie) permettent d'exagérer une tendance pour justifier l'existence de cet article. Pour que le RGPD s'applique à votre flirt numérique, il faudrait : soit que votre activité soit tellement importante que vous ayez besoin d'une feuille Excel pour trier vos informations et qu'ainsi elle sorte de l'exception d'application du RGPD relative à la vie privée et à l'usage domestique (ce qui sur ce genre d'application serait relativement inquiétant et très hautement improbable sur un plan juridique comme matériel) ; soit qu’à la surprise générale, Tinder ne respecte pas la vie la plus privée de ses utilisateurs et se permette de lire le contenu de vos conversations privées pour ensuite en extraire de la donnée, ce qui permettrait à la CJUE, dans une autre situation extrêmement improbable, de vous faire qualifier de coresponsable du traitement de données personnelles comme dans le cas Wirtschaftsakademie. C'est pour cela que le Décodé existe aussi : protéger son lectorat de futurs situations totalement improbables et graves ! Somme toute, dans le cas de la réalisation de l'une de ces deux hypothèses, alors le RGPD serait applicable.

 

L'applicabilité du RGPD entraine certaines exigences en matière de collecte de données personnelles, allant de la manière de collecter ou non certaines informations, jusqu'à l'usage de ces informations.

 

La collecte d'informations peut se faire sur des personnes âgées de plus treize ans (avec consentement parental) et au-delà de seize ans (/quinze pour la France), après un consentement libre, spécifique, éclairé, et univoque. Cependant, il est à souhaiter que les utilisateurs de Tinder n’aient pas à utiliser ce premier élément. Le RGPD est extrêmement susceptible sur les données dites sensibles. Par soucis de simplicité, il vaut donc mieux s’abstenir de toutes questions relatives aux orientations – et pratiques, nous insistons – politiques, syndicales et sexuelles ; ne faire aucune déductions de la photo de profil. D’une manière plus générales et préventive, il vaut mieux appliquer une logique de privacy by defaut (l'option la plus protectrice de la vie privée) dans un échange Tinder afin d'éviter un maximum de collecter des informations pouvant permettre de mieux connaitre cette personne, sans quoi des obligations bien plus lourdes apparaissent en termes de cyber sécurité notamment. 

 

Cependant certain usages de ces données peuvent être jugés comme nécessaires au bon fonctionnement du service. La première question à se poser est la concordance du consentement avec l'usage souhaité des données personnelles. Est-il conforme au consentement initial de publier cette capture d'écran sur une conversation de groupe ? Le second point est la destination de cette données personnelle que vous diffusez, car vous êtes responsable de l'avenir de ces données personnelles. Ce tiers offre-t-il des conditions de sécurité suffisantes ? Ce tiers est-il dans un pays tiers ? De fait toutes communication vous rend d'une certaine manière responsable du comportement du pote insistant et trop curieux de fin de soirée (« alors, tu as du matériel ? »), d'autant que la charge de la preuve des mesures de sécurité vous incombe.

 

Il est donc très fortement déconseillé d'utiliser Tinder dans des circonstances permettant une application du RGPD : celui-ci engage des exigences qui semblent en opposition avec la philosophie de cette application, peut être que que l'amour ne se trouve pas dans le cloud (traduisez)…

 

Edgar RAVEL

 

Pseudo Tinder : Salò


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