L’architecture est un art se manifestant depuis des siècles au travers d’édifices majeurs à Toulouse. Durant tous les siècles, depuis le Ve siècle, quand Toulouse était la capitale du royaume wisigoth, la ville fut marquée par l’édification de monuments véhiculant à la fois une image de prestige et un savoir-faire architectural correspondant à une parfaite maîtrise tant technique qu’artistique. L’architecture religieuse en témoigne avec notamment la basilique Saint-Sernin édifiée entre le XIe et le XIIe siècle. Le très célèbre Capitole, une des places royales de Louis XIV, dont la construction s’étala entre le XIIIe et le XVIIIe siècle occupe une place majeure pour le rayonnement de la ville de Toulouse. Sa façade actuelle est due au travail de l’architecte Guillaume Cammas et date de 1760. Des hôtels particuliers dont le superbe hôtel d’Assézat construit durant le XVIe siècle, ou encore l’architecture civile avec le Pont-Neuf, achevé durant le XVIIe siècle contribuent également à la prestance de Toulouse. Ces éléments architecturaux soulignent la diversité de la ville. De nos jours, certains monuments ont hélas été détruits. Cependant depuis le milieu du XXe siècle, aucun geste architectural marquant n’a vu le jour à Toulouse. Le XXIe siècle reprendra-t-il le flambeau du passé architectural glorieux de Toulouse ?
L’architecture se manifeste également dans des lieux situés en dehors des parcours ou sentiers touristiques, fréquentés quotidiennement par les jeunes toulousains : les universités toulousaines. L’université est un lieu que nous fréquentons tous les jours mais que nous ne concevons pas comme un objet d’étude architectural au premier abord. Ce volet architectural ouvert en trois chapitres que nous vous proposons est l’opportunité d’en apprendre plus sur chacune des trois universités toulousaines, au regard notamment de leurs architectes ou de leur courant architectural. Comment concevoir architecturalement une université ? Comment s’intègre-t-elle dans l’urbanisme ?
Le cœur universitaire de la ville de Toulouse s’est en premier lieu développé dans le centre-ville, depuis la création de la première université de Toulouse en 1229. Elle a d’abord été hébergée dans le couvent des Jacobins. Par la suite, différents lieux autour de la basilique Saint Sernin serviront à l'enseignement comme la rue des Lois entre le XIVe et le XVe siècle environ. Une anecdote marque le passage de la Faculté dans cette rue. À cette époque, la police interdisait aux étudiants de porter l’épée. Pour symboliser cette interdiction, elle cloua une épée sur la porte d'un amphithéâtre. Les étudiants contestataires décidèrent de brûler les locaux vers le XVIe siècle. À la suite de cet évènement, durant le même siècle, la reconstruction de la Faculté se fit sur l'ancienne rue de l'Université, actuellement nommée rue Lautmann (le site qu’occupe l’Université Toulouse Capitole aujourd’hui), puis, à partir du XIXe, sur le site actuel dit « des Anciennes Facultés » pour le droit et les lettres, et, sur les allées Jules Guesde pour la Faculté de médecine et la Faculté des sciences. La Faculté de droit de Toulouse est aujourd’hui à appréhender comme un lieu de savoir mais également comme un lieu de mémoire envers les Pères fondateurs du droit. Il s’agit d’un héritage dont la passation se réalise non sans fierté et sans hommage. Chaque grand Homme ayant marqué son temps et participé au prestige de cette Faculté a son nom gravé dans un lieu d’apprentissage communément appelé amphithéâtre[1].
L’Université Toulouse Capitole ne s’inscrit pas géographiquement en un lieu unique. Le bâtiment principal, connu sous le nom d’Arsenal, est l’édifice le plus récent. Les Anciennes Facultés, situées de l’autre côté de la rue des Puits Creusés, et la Manufacture des Tabacs (allée de Brienne) ont une histoire différente mais tout aussi passionnante et sont reconnues aujourd’hui comme des lieux d’études chargés d’histoire. Pour finir, ce lieu d’apprentissage possède des bibliothèques pour travailler ; principalement : la Bibliothèque Universitaire de l'Arsenal, celle de Garrigou et celle de la Manufacture des Tabacs.
L’Université Toulouse Capitole est une chance pour la ville de Toulouse. De nombreuses municipalités ont décidé d’éloigner le monde universitaire des centres-villes pour donner suite aux désordres connus lors des évènements de mai 68. Pour le doyen de l'époque, Gabriel Marty, il n'était pas envisageable de quitter le centre-ville du fait de sa profession d’avocat exercée en ville. Le revers de la médaille pour les villes ayant décidé du départ des universités vers les périphéries est une mortification du centre-ville. La qualité de la vie à Toulouse et son attractivité sont notamment dues à la présence de cette université moderne. Cette dernière participe à sa manière à son rayonnement national.
§I. Histoire de l’architecture de l’Université Toulouse Capitole
A. Les architectes de l’Université Toulouse Capitole
La compréhension d’une architecture se réalise par la compréhension de l’esprit de son auteur : l’architecte. Son art est marqué par des courants architecturaux pour lesquels il adhère ou au contraire se révolte, en tous les cas réagit par le dessin de ses pensées qui deviendront réelles. Le Corbusier affirmait à ce titre que « L’architecture, c’est une tournure d’esprit et non un métier. »[2].
La construction du bâtiment principal « Arsenal » est due à deux architectes : Noël Lemaresquier et Paul de Noyers. Le premier est plus connu sous le nom de Le Maresquier : le changement de graphie vient de la volonté d’une certaine émancipation vis-à-vis de son père, Charles Lemaresquier ; ce dernier fut avant lui un architecte très connu. Noël Lemaresquier exerçait à Toulouse mais également à Paris. Son travail fut récompensé par l’obtention du second grand prix de Rome en 1930. Il manifesta son attachement à la ville de Toulouse en devenant professeur à l’École d’architecture de Toulouse. Entre 1953 et 1974, il succéda à son père dans son propre atelier à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts. Il fit partie des architectes de la Reconstruction après la seconde guerre mondiale. Il est un architecte partisan de la table rase. Le fruit de son travail le mena à une reconnaissance nationale durant les Trente glorieuses[3]. Il fut l’architecte de la gare de Saint-Nazaire en 1955. Entre 1966 et 1970, il construisit des habitations et des foyers de fonctionnaires à Champigny-sur-Marne et Chennevières-sur-Marne. L’art de l’architecture se perpétue dans la famille puisque son fils, Nicolas Le Maresquier, devint à son tour architecte[4].
Noël Lemaresquier et Paul de Noyers menèrent ensemble d’autres projets que l’Université Toulouse Capitole. En 1951, ils ont construit le Monoprix rue d’Alsace-Lorraine. En 1963, ils furent les architectes de la nouvelle École vétérinaire de Toulouse et entre 1967 et 1975, du CHU de Rangueil (à ce titre, nous aborderons la vie de Paul de Noyers ultérieurement. Il a notamment réalisé l’immeuble de la Banque Courtois rue de Rémuzat à Toulouse en 1968).
La Manufacture des Tabacs a été reconsidérée dans la conception de ses espaces par l'architecte Gabriel de Hoym de Marien. Son père, Louis de Hoÿm de Marien, a reçu le Grand prix de Rome en 1951.
Paul de Noyers et Louis de Hoÿm de Marien érigeront ensemble la Cité administrative[5].
B. Une construction en plusieurs étapes
L’Université des sciences sociales est un lieu de mémoire construit en plusieurs siècles. Tout d’abord, en 1229, année d’ouverture de la première Faculté sur Toulouse, les cours étaient enseignés dans des pièces initialement non édifiées pour l’apprentissage universitaire : le couvent des Jacobins. Ce lieu d'étude est directement lié à l’Histoire de France. Au XIIIe siècle, le roi de France, vivement sollicité par le pape, entrepris des croisades dont celle des albigeois contre l'hérésie cathare. Le roi de France et le pape construiront la cathédrale Sainte Cécile d’Albi pour marquer la force du culte catholique. Ainsi, dans ce lieu saint qu’est le couvent des Jacobins, le droit canonique y fut enseigné par les dominicains chargés par le pape de lutter contre l'hérésie cathare. Or, le roi n'accepta pas la création d’une université contrôlée par le pape : c’est pourquoi cette université fut autonome, gérée ni par le pape ni par le roi, mais placée en double patronage. Nous n’avons plus de traces aujourd’hui de ces lieux ; ils n’étaient dans tous les cas pas sur le campus actuel.
Lors de la Révolution française, en 1789, toutes les universités furent fermées par la Convention, sous la signature du décret du 15 septembre 1793, pour être remplacées par l’Institut Paganel. Il s’agit d’un institut pluridisciplinaire composé d’enseignants de l’Ancien Régime. Sous le Directoire, cet institut devint l’École centrale, modèle appliqué nationalement. L’école de médecine sera la seule à conserver son indépendance[6]. En 1793, les biens de l’Église dont le cloître des Chartreux, installé sur les terres où sera construite l’Université Toulouse Capitole actuelle, fut saisi pour l’armée. Cette dernière y installa alors ses campements et les Chartreux furent expropriés. Le terrain exploité par l’armée comprend tout l’espace universitaire et la Cité administrative, soit huit hectares.
En 1804, Napoléon restaura l’Université française en créant des collèges universitaires. En 1805, la réouverture des Facultés est assurée par ce dernier qui établit l’Université impériale, régit par une idéologie de la hiérarchisation et du prisme pyramidale. Il définit les formes que doivent prendre les universités et mis en place les tenues universitaires. La tenue des Professeurs de droit est bien antérieure au XIXe siècle. Elle remonte à l’Ancien régime durant lequel la justice et l’enseignement du droit étaient faits au nom du Roi. Au sujet de l’École de droit de Toulouse, créée en 1804, elle rayonne avec des tenues universitaires aux couleurs de l’université : le rouge et le noir. Le rouge et le noir de la Robe et celles de l’épitoge en hermine (blanc et noir) sont les couleurs de la Monarchie. C’est l’un des rares éléments d’inspiration royale n’ayant pas été modifiée à la révolution de 1789. Napoléon mis en place une structure universitaire avec un recteur par Académie nommé par le ministre et un doyen pour chaque Faculté éligible ultérieurement par un conseil de professeurs titulaires[7].
Entre 1950 et le début des années 1960, l’armée libéra l’espace jusqu’alors occupé pour la construction des Anciennes Facultés et du bâtiment Arsenal. Cette évacuation de l’armée se réalisera en plusieurs phases. L'État récupéra le bien de l'armée et scinda le terrain en deux : un hectare est consacré à la Cité administrative et le reste au ministère de l’enseignement supérieure. La construction de l'Université des sciences sociales, de la Cité administrative, du restaurant universitaire et des résidences étudiantes nécessita de raser l'architecture industrielle en place. De très belles halles industrielles avaient été construites pour l’armée et furent ainsi démolies sous l’impulsion du mouvement de la table rase dont fait partie l’architecte Le Maresquier. La ville récupéra, par don de l'État , les bâtiments de l’état-major de l'armée et une petite partie de la caserne pour la mise en place de locaux administratifs.
Les Facultés de droits et de Lettres cohabitaient dans les bâtiments des anciennes facultés. Ce lieu a pour base une architecture datant du XVIe siècle. Le Parlement de Toulouse ordonna la construction durant ce siècle de six amphithéâtres pour la Faculté de droit[8] et les Capitouls construisirent trois « classes » pour la Faculté de droit. Nonobstant, le reste du bâti date du XIXe siècle. La Faculté de lettres fut construite sur le reste de l’ancien couvent des Salenques et l’ancien tribunal des prud’hommes en 1892 où elle fut inaugurée la même année par Jean Jaurès, alors professeur à la Faculté des Lettres. Dans les années 1930, la Faculté de lettres fut étendue. Paul Dottin, recteur d’Académie dès 1944, année de la Libération de la France, fit construire la première cité universitaire Daniel Faucher et définit le futur site de Rangueil dont nous parlerons dans un autre chapitre[9]. Il s’était pleinement investi pour l’Université de Toulouse auparavant en occupant successivement les statuts de maître de conférences, de professeur et de doyen de l’Université[10].
Il était au départ prévu d’ériger une nouvelle université pour les étudiants de droit et de lettres car il manquait des surfaces d’enseignement dans les anciennes Facultés. Or, à la même époque, l’Université Jean-Jaurès fut construite dans le quartier du Mirail pour les étudiants en lettres. Ainsi durant l’année 1968 fut lancé le projet architectural de l'université et en 1970 fut érigé ce qu’est devenu aujourd’hui le bâtiment principal d’UT Capitole, le bâtiment Arsenal. Cet édifice avec la Bibliothèque Universitaire et la Cité administrative seront construits assez rapidement par les architectes. L’inauguration aura lieu en 1972. Des cours de droit et de sciences économiques seulement y sont enseignés. Des logements étudiants et un restaurant universitaire ont été prévus pour répondre aux attentes des étudiants. L’espace dès lors réservé aux étudiants en droit est beaucoup plus grand puisque l’espace auparavant réservé aux étudiants en Faculté de lettres leur est désormais accessible. L’agrandissement de l’université dans le centre toulousain impliqua également des changements urbanistiques afin de mieux desservir la Faculté. Entre 1960 et 1962 fut percée la rue de la Cité administrative après l’évacuation de l’armée. La création de cette rue a induit le percement du rempart médiéval de la ville et scinde en deux l’espace administratif avec la Faculté de droit et de lettres. L’on trouve, au nord du campus universitaire, la Cité administrative et, au sud, le bâtiment Arsenal, la Bibliothèque Universitaire, toutes les résidences universitaires (au nombre de trois), le restaurant universitaire et la construction en cours de l’École d’Économie - TSE.
Le nom des rues autour de ce campus universitaire atteste d’une bonne intégration du site avec la rue des Lois. L’actuelle rue Albert Lautman fut anciennement nommée rue de l’Université[11]. Nous pouvons aussi évoquer le nom idoine donné à cette université en 2009 : « Capitole ». Le Président Bruno Sire[12] expliqua ce choix par la résonance géographique qu’il évoque. En effet, par cette appellation la centralité de l’université dans la ville de Toulouse est évidente. De plus, il s’agit d’une université enseignant le droit, un lien peut ainsi implicitement se créer : le capitole représente le lieu de pouvoir où l’on crée les lois[13].
Depuis 1995, la Manufacture des Tabacs est un lieu d’apprentissage pour les étudiants de la Faculté de droit de Toulouse[14].
École d’Économie – TSE. En cours de construction actuellement, elle devrait être achevée d’ici le printemps 2019 pour rendre opérationnel l’édifice à la rentrée de la même année. Il s’agit d’un lieu dédié à la recherche, un lieu où une nouvelle histoire universitaire s’écrira pour les enseignants-chercheurs, les étudiants de l’école doctorale et l’administration de TSE. Jusqu’à présent, ces recherches s’effectuaient dans les bâtiments de la Manufacture des Tabacs. Le Président Bruno Sire eut pour idée au travers de ce projet architectural d’implanter au cœur de la ville de Toulouse un monument architectural fort. Ce projet n’est pas comparable avec la tour Occitanie mais ces deux réalisations architecturales compteront comme des monuments marquants datant de la première moitié du XXIe siècle. Ce lieu d’étude s’implante sur un site exceptionnel avec le canal de Brienne, classé au patrimoine, ainsi qu’une vue imprenable sur la Garonne. Il s’agit de l’un des derniers beaux terrains de Toulouse. Au XVe siècle, la ville fut protégée par la construction de remparts. Aujourd’hui ces derniers correspondent aux boulevards dessinant un octogone autour de la Garonne. Nous pénétrions dans la ville par des portes monumentales avec des tours d’entrée. L’entrée narbonnaise était l’entrée la plus importante. Au palais de Justice, la présence d’une tour figure cette présence historique d’une entrée de ville. La nouvelle École d’Économie se trouve dans l'axe du canal de Brienne par là où le flux de marchandises était transporté. Ce bâtiment viendrait marquer symboliquement une entrée dans la vieille ville de Toulouse en s'implantant dans l'axe du canal de Brienne. La réflexion portée sur la situation géographique de TSE est historique. Il y avait une entrée à ce lieu donc il faudrait que le bâtiment soit monumental comme une porte d'entrée de la Renaissance. L'enjeu de ce projet architectural est de mener à bien une architecture qui résonne avec cette histoire toulousaine. Cet édifice sera situé entre l’église de Saint Pierre des Cuisines, église la plus vieille de Toulouse, avec laquelle il communiquera et le mur d’enceinte datant du XVe siècle. À la suite d'un concours international, le cabinet irlandais Grafton a été choisi à l’unanimité. Les architectes ont pu auparavant montrer leur talent au travers de projets comme l'Université Bocconi à Milan. Ce cabinet a également organisé la mostra de Venise cette année.
Ce nouvel édifice toulousain doit être ouvert sur la ville. Cette ouverture doit se percevoir architecturalement pour transmettre l’idée qu’au-delà d’une université, il s’agit d’un lieu de débat et d’échanges avec et pour la société. Au XXe siècle, la Faculté était un lieu perçu comme calme et fermé par son architecture. Le Président, Bruno Sire n’a jamais eu cette conception de l’université. L’ouverture de ce lieu sur la ville est d’une importance toute particulière. L’arche étant l’entrée monumentale par excellence accueillera les personnes voulant pénétrer les lieux. Il n’y aura pas de porte conventionnelle pour entrer dans le bâtiment. En effet, l’édifice invitera à rentrer avec une entrée en entonnoir pour faire office d’entrée sans que cela soit une porte. L’entrée comme de nombreux autres espaces seront à ciel ouvert, laissant place à une complémentarité délicate entre espaces intérieurs et extérieurs. De cette manière, trois bâtiments seront reliés entre eux par des espaces ouverts.
Le bâtiment sera en même temps perceptible comme une architecture contemporaine et innovante tout en étant classique dans l’utilisation des matériaux respectueux d’une intégration au cœur du centre-ville toulousain[15]. En effet, au cœur de la ville rose, des briques anciennes sont utilisées pour habiller la façade en béton. La technique de pose est à peu près similaire à celle du XVe siècle avec des joints épais de couleur jaune ocre entre les briques. À l'entrée de l'édifice on passera par une arche où l’on trouvera au-dessus de nos têtes deux niveaux suspendues appelés le « sky cloister » soit le « cloître du ciel ». Cette école sera constituée d’une colonne centrale servant d’espace de circulation avec deux ascenseurs. Cette architecture moderne est comparable à la fondation LUMA également en cours de construction à Arles. En effet, l’architecte Frank Gehry a pensé l’intégration du bâti dans son environnement par les formes architecturales comme le hall d’entrée rappelant la forme ovale de l’amphithéâtre de la ville d’Arles. L’attention portée sur l’innovation des techniques de construction est sur ces deux édifices au service d’une beauté architecturale hautement moderne et, semble-t-il, sans comparaison dans l'histoire architecturale. Comme le souligne le Président Bruno Sire, il s’agit d’un « geste architectural » ayant un écho allant bien au-delà de l’Université[16].
§II. Description architecturale des trois sites du centre-ville toulousain
A. L’articulation du site universitaire d’UT Capitole des années soixante-dix
Bâtiment courbe. Tout d’abord, dès l’arrivée sur le devant du bâtiment, nous remarquons visuellement un édifice majeur de forme courbe. Ce bâtiment correspond à une architecture caractéristique des années des trente glorieuses ; tout comme le bâtiment Arsenal, la Bibliothèque Universitaire et la Cité administrative. Pour en revenir à ce « bâtiment courbe », la façade offre des ouvertures qui donnent un rythme architectural par un effet de répétition du même module. Pour reprendre les termes de l’architecte Suisse, Luigi Snozzi : « La variété est le prélude à la monotonie, si tu veux l’éviter répète ton élément[17]. ».
Salle des Pas Perdus. Une entrée solennelle et monumentale accueille professeurs, administratifs et étudiants dans le hall autrement appelé la salle des Pas Perdus. Pour anecdote, à la suite de la suggestion du Président Bruno Sire de créer une vague au plafond, l’architecte l’a conçu comme un tapis volant où l’on ne pourrait pas y marcher mais simplement y rêver. Cette forme en mouvement vient donner du dynamisme à la salle et anime l’espace d’entrée pour inviter à y pénétrer[18]. Il s'agit d'une vague composée de barrettes orangées suspendues par de petites suspentes.
L’administration de l’université a une grande partie de ses bureaux donnant sur l'entrée principale d'Arsenal. L’architecte qui œuvra sur le plafond de l’entrée du bâtiment Arsenal retravailla également toute la conception architecturale de l’entrée ainsi que la salle des Conseils Gabriel Marty et l’amphithéâtre Despax, il y a maintenant quatre ou cinq ans. L’entrée fut « ornementée » par des boiseries, dynamisée par des vues animées projetée sur un écran géant en fond de salle créant un mur d’images. Cet espace d'entrée est alors conçu comme un lieu de mise en valeur, de publicité de l’université.
Depuis ce hall d’entrée les amphithéâtres devaient initialement se développer à droite et à gauche mais à la suite de la découverte du cloître, la construction des salles de cours ne furent qu’engagées à droite contrairement au projet initial.
Salle Gabriel Marty. La salle des Conseils, salle Gabriel Marty, offre un lieu de débat avec une immense table de travail. Nous remarquons l’aspect prestigieux, historique mais à la fois moderne de la salle avec le portrait de Gabriel Marty faisant face à l’œuvre de Victor Vasarely. Le plaquage en bois et les fauteuils datant des années soixante-dix ajoutent de la chaleur et un lien historique avec le passé de cette université. Ces assises, au nombre de soixante dans la salle Gabriel Marty, semblent être inspirées du modèle Time-Life Exécutive Chair de Charles et Ray Eames, couple de designer et architecte. Ce design fut initialement créé pour les halls du bâtiments Time-Life du Rockefeller Center[19]. Le travail de décoration de cette salle a été réalisé par Gabriel Marty lui-même qui choisit par goût dans le cadre de la loi Malraux. Cette dernière donne la possibilité de dépenser 1% culturel c’est-à-dire 1% du coût des travaux universitaires pour acheter des œuvres à des artistes.
Cette salle éminemment importante pour le bon fonctionnement de l’université donne sur un patio intérieur où nous retrouvons l’arrière du bâtiment courbe toujours saccadé par ses ouvertures. Au-dessus de la salle des Conseils, une surélévation a été réalisée pour permettre d’agrandir les surfaces d’enseignement. Ces bureaux datent des années 1980. En face de ce patio, la salle des professeurs et la salle de thèses sont visibles. Ce patio est très calme, ombragé, il apporte de la sérénité au lieu.
Cloître des Chartreux. Situé à l’arrière du bâtiment courbe d’entrée, nous le trouvons depuis le hall d’entrée directement sur notre gauche. Depuis 2012, ce lieu de sérénité appartient à l’université. Il est inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques (ISMH). Le Président Bruno Sire s’est pleinement engagé dans ce projet de revalorisation du cloître en lançant des consultations pour la restauration des arches et du jardin. Il est intéressant de noter que les sondages archéologiques ont permis de découvrir que les arches du cloître et le déambulatoire sont enterrées à environ un mètre du sol actuel. Après cela, la restauration fut autorisée par les services de la DRAC et de la Préfecture[20]. L’architecte toulousain M. Witt, agréé par les monuments historiques, spécialisé pour les monuments inscrits, fut retenu pour restaurer ce cloître. Le travail de restauration se définit dans ce cas précis par à une remise en place de briques foraines de Toulouse, matériau très spécifique, et des consolidations. Le dessin du jardin et ses abords ont été redessinés.
Auparavant, un bassin était présent sous les platanes entre le restaurant universitaire et le cloître alors beaucoup plus vaste. Ce bassin fut enlevé pour la construction du restaurant universitaire. En réalité, en l’état actuel des choses, nous n’avons pas la totalité du cloître sous nos yeux. En effet, la moitié du cloître fut détruit en même temps que le bassin, biens architecturaux auparavant conservés par l'armée. Initialement il y avait en termes de surface le double de longueur pour la même largeur que de nos jours. Le cloître des Chartreux n’est pas comme le couvent des Jacobins. Le cloître des Chartreux est un espace où les moines habitaient dans des cellules individuelles donnant directement sur le cloître. Les arches étaient en connexion avec l'église des Chartreux. Son histoire est importante à connaitre pour comprendre l'importance de son étendue. À partir du XIIIe siècle, les pèlerinages à Saint Jacques de Compostelle sont très courants. Les grands chemins menant à Saint Jacques de Compostelle passent par Toulouse. La basilique Saint Sernin est l'un des derniers monuments à visiter avant la fin du pèlerinage, elle attire énormément de pèlerins. Il s’agit de l'une des dernières églises romanes d'Europe. La problématique concerne alors l’hébergement et la restauration de tous les pèlerins. Les moines vont s’en charger et construire un grand nombre de monastères pour leur offrir l’hospitalité. Le cloitre des Chartreux est le plus grand lieu d’accueil pour les pèlerins.
La présence d’un bassin, dans les années soixante-dix, tout comme la mise en place d’une entrée monumentale rajoutait beaucoup de majesté au lieu. Ainsi, à l’entrée de l’université deux grands bassins viennent parfaire et véhiculer l’idée d’une certaine prestance de cette université.
Amphithéâtres. L’amphithéâtre Michel Despax a été réalisé dans les années soixante-dix dans le cadre de la construction du bâtiment Arsenal. Il vient d’être entièrement restauré. Initialement intitulé amphi A, cette salle de cours était destinée aux premières années pour suivre le « Grand cours » avec environ 670 places. Ce fut ainsi le plus grand espace conçu pour l’enseignement parmi toutes les salles de cours présentes dans le bâtiment Arsenal[21].Les amphithéâtres Pierre Hébraud et Pierre Montané de La Roque furent également construits la même année. Les amphithéâtres Paul Ourliac et H furent, quant à eux, érigés dans les années 1986 environ.
BU Arsenal. La Bibliothèque Universitaire de l’Arsenal a été construite par Paul de Noyers en 1972. Réalisée en brique et en béton brut, comme tous les autres édifices construits à la même époque pour l’Université Toulouse Capitole, cette architecture s’inscrit dans le mouvement moderne. Elle évoluera et sera modernisée notamment pour accueillir un nombre grandissant d’étudiants.
Il est possible, d'après l'architecture employée, que cette Faculté soit initialement prévue pour un pays d’Afrique. La conception architecturale indiquant ceci serait la réalisation de murs agencés en biais protégeant contre le soleil.
B. L’évolution architecturale des Anciennes Facultés au fil des siècles
En 1892, la Faculté de lettres fut construite. L’atelier du sculpteur toulousain Bernard Griffoul-Dorval fut acheté pour l’usage de la Faculté au milieu du XIXe siècle. Cet atelier était une très grande salle partagée en deux en 1850. Ce lieu devint l’Amphithéâtre Dupeyroux en 1880. Depuis la rue Lautman, la façade du milieu a été créée en 1807. Elle fut remaniée en 1878. Dix ans plus tard, en 1888 l’intérieur de ces Anciennes Facultés fut réaménagé avec la création des trois amphithéâtres nommés Couzinet, Boyer et Marsan.
Salle Maurice Hauriou. Ancienne salle de conseil datant des années 1870-1880, elle prit le nom de Maurice Hauriou le 3 novembre 1929 pour rendre hommage au célèbre Doyen toulousain, Président durant vingt ans dans cette salle. Entrer dans cette salle est une rencontre : la rencontre avec un homme, une histoire. La lumière entrant par les grandes fenêtres feutrées de lourds rideaux rouges, les fauteuils de velours rouges et les quatre murs décorés de multiples portraits, habillés en tenue universitaire noir et rouge, dont celui de Maurice Hauriou, emportent toute personne au-delà de quatre simples murs dans un haut lieu de mémoire de l’université. Elle a été restaurée il y a quinze ans environ par une mise en sécurité des lieux[22].
Antonin Delourne, prédécesseur de Maurice Hauriou en tant que Doyen de l’Université, est le penseur de cette salle. Il aurait souhaité une galerie dédiée aux portraits des maîtres, projet initié à la fin du XIXe siècle. Sa mémoire fut honorée après sa mort avec son nom pour décoration de la salle des thèses de l’ancienne Faculté de droit. Entre 1965 et 1967, des améliorations vont être appliquées dans la salle Maurice Hauriou pour transmettre aux juristes parcourant cette salle une idée la plus juste possible de l’histoire de l’enseignement du droit. Le soin de conservation apporté également au patrimoine universitaire permet aujourd’hui encore de témoigner de ce travail de mémoire ; contrairement à l’ancienne salle des thèses de nos jours abandonnée. Cette attention apportée à l’histoire de l’université intervient lorsque cette dernière est menacée d’être transférée ailleurs dans Toulouse en raison d’un manque de surface d’enseignement[23].
Amphithéâtre Cujas. En face des édifices datant du XIXe siècle, en 1934, fut construit l’amphithéâtre Cujas par l’architecte Thillet. Cet édifice a, par son architecture, pour rôle de sublimer l’image de l’excellence universitaire toulousaine. L’organisation de grandes cérémonies dans ce superbe amphithéâtre fait rayonner l’Université. Dès lors, les cérémonies n'auront plus lieu comme auparavant avec, par exemple, une procession pour fêter le septième centenaire de l’Université de Toulouse. Au-delà de cette préoccupation de l’image universitaire, il était nécessaire de construire une grande salle de cours supplémentaire pour les étudiants en Faculté de lettres. Le recteur de l’époque, Joseph Gheusi, le maire de la ville de Toulouse Etienne Billières, l’architecte en chef Jean Montariol, sans oublier l’architecte Joseph Thillet, vont travailler ensemble pour mener à bien ce projet. À la même époque, Jean Montariol travaille sur un autre projet : la Bibliothèque d’étude et du patrimoine située rue du Périgord. Cet autre joyau architectural sera construit un an plus tard en 1935. Le travail architectural entre ces deux édifices est intéressant à comparer par leur forte ressemblance. Appartenant au style architectural art déco, les lignes sont pures, nettes. Le travail des ouvertures permet une belle entrée de lumière à l’intérieur venant marquer la pureté des formes intérieures[24]. Initialement dédié aux étudiants en Lettres, ce lieu d’étude va connaitre une période d’abandon avec un manque d’entretien. À la fin des années soixante-dix, une première restauration sera considérée comme un échec avec un reniement de toutes les premières volontés architecturales. Tout ce qui faisait la grandeur de l’amphithéâtre est occulté : l’éclairage zénithal apportant cette sérénité au lieu, le coffrage de faux bois recouvre la toile de Bergès et enfin le faux plafond enlève toute hauteur au lieu. En 2011, le Président Bruno Sire pris la décision de remettre en valeur ce patrimoine architectural[25]. Avec l’application des nouvelles lois en vigueur sur l'accès aux personnes à mobilité réduite, il a également fallu réfléchir à de nouvelles configurations spatiales.
Impossible d’aborder l’histoire et l’ambition des architectes pour l’amphithéâtre Cujas sans évoquer l’œuvre réalisée par Joseph Bergès, travaillée, avec beaucoup d’application, par les restaurateurs. Placé derrière la chaire du professeur, il s’agit d’un triptyque, rattaché aux racines de la culture classique, recevant une lumière zénithale. Au premier plan, une femme est assise auprès d’un musicien. Une chèvre et son chevreau se trouvent aux pieds de la jeune femme. Au deuxième plan, un pâtre veille à garder son troupeau. Au troisième plan, une rivière coule avec au-dessus un temple en haut d’une colline. Tous les détails ne peuvent être évoqués, observer cette œuvre de ses propres yeux permet d’en découvrir plus exactement les secrets[26].
Accessibilité. Les Anciennes Facultés furent initialement accessibles par la rue Lautman par deux entrées distinctes : l’une pour la Faculté de droit et l’autre pour la Faculté de lettres. Les deux entrées sont de nos jours toujours visibles et empruntables mais beaucoup moins utilisées dans les us et coutumes des étudiants en droit. Les entrées par la rue des Puits creusés et la rue des Salenques sont favorisées. La description que nous pouvons faire de la porte de la Faculté de droit est celle d’une lourde porte à deux battants. Cette porte est arrondie à son sommet par le dessin et le bâti d’un arc de briques en plein cintre. La clef d’arc indique le lieu d’étude situé derrière cette porte par les mots : FACVLTE DE DROIT[27]. Pour la Faculté de lettres, l’entrée est moins monumentale. Ce sera uniquement à partir de 1935, qu’une nouvelle entrée monumentale de la Faculté par la rue des Salenques fut aménagée. Avant la Révolution française, l’édifice donnant sur la rue des Salenques appartenait à l’Église. Il fut confisqué lors de la Révolution pour devenir une caserne de militaires puis une caserne de pompiers, la caserne Robert. Une partie de cette ancienne caserne de pompiers a été conservée pour devenir une entrée majestueuse de la Faculté de lettres.
Décor architectural. Au sein des Anciennes Facultés, il est possible de distinguer depuis l’intérieur de la cour l’ancienne Faculté de lettres et la Faculté de droit respectivement réalisée en briques apparentes et en briques enduites.
Depuis la rue Lautmann, un contraste architectural entre ces deux Facultés est aussi observable. La Faculté de lettres possède un style éclectique qui plaisait à la fin du XIXe siècle. La pierre apparente rappelle la noblesse et l’importance de cet édifice universitaire dans la société ; on a un rappel de l’antique. La Faculté de droit est quant à elle ornementée de colonnes en pierre : les colonnes de la justice ouvrant l’accès au savoir. Un balcon en saillie est tenu par ces colosses de pierre. Il se dégage de cette architecture universitaire des traits caractéristiques de l’époque. L’objet majestueux de ce lieu restant l’escalier, élément d’expression de l’architecte. Ils portaient également une attention toute particulière aux galeries en bois.
Dans les années 1930, le terrain sur lequel furent construits l’amphithéâtre Cujas, l’IEP et les petits immeubles de type habitation devenus de nos jours des bureaux a été donné par un notaire à la condition que soit abrité l'École de Notariat.
Mur entre deux Facultés. Pour anecdote, durant le XXe siècle fut construit par le dernier doyen de la Faculté de droit et de sciences économique Gabriel Marty un petit mur surmonté d’une grille pour matérialiser une séparation entre les deux Facultés de droit et de lettres. À l’origine, le ministère souhaitait avant les années soixante-dix créer deux universités : l’Université de Rangueil d’un côté et l’Université de Droit et de Lettre de l'autre. Cependant des tensions trop grandes perturbaient une cohabitation sereine entre les deux instances universitaires. Le combat s’élevait jusqu’aux doyens avec un conflit permanent entre Gabriel Marty et Godechot, le doyen de l'époque pour la Faculté de lettres. Lors de la restauration de l’amphithéâtre Cujas, les jardins furent également retravaillés. Cette séparation a été retiré à ce moment-là, entre 2011 et 2012. Il reste de nos jours le soubassement du petit mur.
IEP de Toulouse. En 1959 fut érigé le bâtiment consacré aux études de l’IEP de Toulouse. Jusqu'alors l’apprentissage s’effectuait entre les murs de la Faculté de droit. L’architecture de cet IEP reflète la lisibilité des façades. En effet, le but architectural recherché n'est pas d’exprimer une beauté ornementale ou un charme particulier mais plutôt de retranscrire ce qu'il y a à l’intérieur de manière pragmatique, composé d’espaces utiles et rationnels. Au travers de cette architecture, il est possible de décrire lisiblement ce qu'il y a à l’intérieur. Cette manière de concevoir fut un modèle d'architecture entre la fin des années cinquante et les années soixante.
C. L’histoire architecturale de la Manufacture des Tabacs
La Manufacture des Tabacs était initialement implantée à Toulouse, rue de la Pomme. Elle était alors sous la gouvernance du Roi et gérée par la Ferme Générale qui disposait du droit de production, fabrication et de vente. Lors de la Révolution, en 1791, cette manufacture fut supprimée et la liberté d’entreprendre rendue à tous. Ainsi six fabriques privées virent le jour et eurent les mêmes possibilités d’entreprendre que la Ferme générale antérieurement.
En 1810, la Manufacture d’État fut construite dans l’ancien couvent des Bénédictins sur le quai de la Daurade. Auparavant cet ancien couvent avait été occupé par l’ancienne filature de coton de François Bernard Boyer-Fonfrède. L’architecte Rivet et l’ingénieur Holcroft travailleront à la transformation de l’édifice en manufacture des tabacs en 1821. Durant la même année, de nouveaux ateliers de travail furent nécessaires pour le râpage de la poudre, entre autres. La situation géographique de cet atelier répondait aux activités mécanisées. En effet, dans la zone d’activité du Bazacle, en bord de Garonne, l’énergie hydraulique était à portée de main.
Ainsi, au cours du XIXe siècle, nous étions avec une manufacture divisée physiquement en deux édifices. Il fut alors décidé de regrouper la manufacture en un seul et même endroit au Bazacle. En 1892, l’installation de la Manufacture d’État sur le quai de la Daurade fut abandonnée. Entre 1888 et 1894, la Manufacture connue actuellement fut instituée à partir d’un édifice déjà existant. Cette entreprise prospéra de nombreuses années. Elle fut la deuxième manufacture de France après celle de Paris. Vers 1963, la décision de fermer l’usine fut prise et en 1987, la Manufacture des Tabacs ferma définitivement. À partir de là, un débat fut lancé sur ce qu’il adviendrait de cette manufacture, à savoir sa destruction totale pour bâtir par-dessus, ou sa conservation. À l'origine, la ville avait donné un permis de démolir. Or cette question fut posée lors de la campagne municipale où Dominique Baudis avait pour adversaire un avocat se servant de cet évènement comme arme à des fins électorales. Ainsi il mena une campagne de presse reposant sur le projet de démolition. À la suite de cela, Dominique Baudis retira le permis de démolir. L’Association pour la Sauvegarde de la Manufacture des Tabacs fut créée la même année en 1988 pour sa conservation. En 1989, le dossier fut présenté pour que la Manufacture des Tabacs soit protégée par le classement aux Monuments Historiques. L’Association finit par obtenir gain de cause et le ministre de la Culture classa la toiture et les façades parmi les Monuments Historiques en décembre 1989. Ainsi s’est-on demandé ce que l’on allait faire de ce bâtiment : un musée, un lieu consacré aux archives municipales, un lieu pour le rectorat ? La ville de Toulouse a racheté la Manufacture des Tabacs en 1992 et la rétrocéda à la région pour un franc symbolique. L’Université des Sciences Sociales de Toulouse est désignée comme occupant. Le Président de l'Université Gour était intéressé par les locaux étant donné leur proximité et la nécessité croissante de locaux. Les premiers bâtiments furent livrés en 1994. Les travaux d’aménagement pour accueillir les professeurs et leurs étudiants furent quasiment finis pour la rentrée de 1996[28]. La restauration et l’aménagement du site sont effectués dans le cadre d’un plan État-Région. Dans ces conditions, la région était le maître d’ouvrage pour la restauration. Gabriel de Hoÿm de Marien, fils de Louis de Hoÿm de Marien, remporta le concours et mena les travaux[29]. La récupération d’une architecture industrielle est une démarche assez fréquente dans les années quatre-vingt-dix, notamment à Lilles avec les friches industrielles pour les Facultés. Pour le cas précis de la Manufacture des Tabacs, adaptée en lieu d’études, les grandes salles qui abritaient les cigarières furent coupées en deux dans le sens horizontal d'où l'apparition de curiosités avec des fenêtres au ras du sol. Architecturalement, le travail est réussi en ce sens que l’architecte respecta l'aspect du bâtiment avec sa cour intérieure. Le caché du bâtiment a été conservé et en cela nous pouvons saluer le talent de l’architecte qui œuvra à l’adaptation d'un lieu industriel en université.
Au-delà de l’Université Toulouse Capitole, les lieux d’apprentissage universitaires ont évolué au cours des siècles, à cause d’évènements inattendus, de bouleversements historiques ou par nécessité politique, démographique ou encore urbanistique. Récemment, dans l’histoire de l’enseignement toulousain, l’Université a dû changer et a vu ses surfaces d’enseignement s’agrandir avec la construction de l’Université Jean-Jaurès dans le quartier du Mirail. Dans l’attente de la découverte de cette Université, réfléchissons à cette architecture avec la citation de Le Corbusier, jouant un rôle dans la perception de l’architecture des trois architectes Candilis, Josic et Woods : « L’harmonie est dans les ouvrages, qui sortent de l’atelier ou de l’usine. Ce n’est pas de l’art, ce n’est pas la Sixtine, ou l'Érechthéion : ce sont les œuvres quotidiennes de tout un univers qui travaille avec conscience, intelligence, précision, avec imagination, hardiesse et rigueur[30].».
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Le Décodé tient à remercier chaleureusement le Président Bruno Sire, les Professeurs André Cabanis et Philippe Delvit, ainsi que Mme Sonia Moussay, pour leur précieuse aide, leurs informations, leurs conseils et leur temps.
Les notes de bas de page ne peuvent être éditées dans la version papier du journal. Néanmoins, elles seront intégralement retransmises sur le site Internet du Décodé.
Juliette Penancier
[1] Philippe Delvit, « UT Capitole : un amphi sous les projecteurs », disponible en ligne : http://www.ut-capitole.fr/medias/fichier/universite-toulouse-amphi-documentaire_1513843114224-pdf.
[2] Citation extraire du site disponible en ligne : http://citation-celebre.leparisien.fr/auteur/le-corbusier.
[3] Philippe Delvit, « Une inauguration. La rénovation de l’amphithéâtre Michel Despax, mars 2017 », disponible en ligne : http://www.ut-capitole.fr/medias/fichier/20180215-amphidespax_1518681220681-pdf.
[4] « Noël Le Maresquier », disponible en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Noël_Le_Maresquier.
[5] Philippe Delvit, « Une inauguration. La rénovation de l’amphithéâtre Michel Despax, mars 2017 », op. cit.
[6] « L’Université dans le temps : du XIVe siècle à la Révolution », disponible en ligne : http://www.ut-capitole.fr/universite/presentation/histoire/l-universite-dans-le-temps-du-xiveme-siecle-a-la-revolution-94431.kjsp?RH=1319195153802.
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9] Ibid.
[10] « Paul Dottin », disponible en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Dottin.
[11] Philippe Delvit, « Noms de lieux… », disponible en ligne : http://www.ut-capitole.fr/medias/fichier/noms-de-lieux_1515495686927-pdf.
[12] Président de l’Université Toulouse Capitole de 2008 à 2016.
[13] « Entretien avec Bruno Sire, président « stratège » de l’Université Toulouse Capitole de 2008 à 2016 », Le Décodé, disponible en ligne : http://ledecode.ut-capitole.fr/entretien-avec-bruno-sire-president-stratege-de-l-universite-toulouse-capitole-de-2008-a-2016-674172.kjsp.
[14] Philippe Delvit, « Une inauguration. La rénovation de l’amphithéâtre Michel Despax, mars 2017 », op. cit.
[15] « Entretien avec Bruno Sire, président « stratège » de l’Université Toulouse Capitole de 2008 à 2016 », Le Décodé, op cit.
[16] Ibid.
[17] Citation extraite du site disponible en ligne : http://loicbernat.overblog.com/s6.
[18] « Entretien avec Bruno Sire, président « stratège » de l’Université Toulouse Capitole de 2008 à 2016 », Le Décodé, op cit.
[19] Design du fauteuil disponible en ligne : http://store.hermanmiller.com/office/office-chairs/eames-executive-chair/2055.html?lang=en_US.
[20] « Entretien avec Bruno Sire, président « stratège » de l’Université Toulouse Capitole de 2008 à 2016 », Le Décodé, op cit.
[21] Philippe Delvit, « Une inauguration. La rénovation de l’amphithéâtre Michel Despax, mars 2017 », op. cit.
[22] « La salle Maurice Hauriou, un lieu de mémoire à l’Université », disponible en ligne : http://www.ut-capitole.fr/medias/fichier/20180123-presentationsalle-mhauriou_1516720245151-pdf.
[23] Philippe Delvit, « Du neuf chez Maurice Hauriou ? », disponible en ligne : http://www.ut-capitole.fr/medias/fichier/20171219-tableaux-revus-corriges_1516720296998-pdf.
[24] Philippe Delvit, « UT Capitole : un amphi sous les projecteurs », disponible en ligne : http://www.ut-capitole.fr/medias/fichier/universite-toulouse-amphi-documentaire_1513843114224-pdf.
[25] Notes inscrites sur le site de la fac dans l’onglet : Inauguration du grand amphithéâtre, pas dans un article en particulier, disponible en ligne : http://www.ut-capitole.fr/universite/presentation/histoire/inauguration-du-grand-amphitheatre-677848.kjsp?RH=1319195153802.
[26] Philippe Delvit, « UT Capitole : un amphi sous les projecteurs », op. cit.
[27] Philippe Delvit, « Noms de lieux… », op. cit.
[28] « Histoire de la Manufacture », disponible en ligne : http://www.ut-capitole.fr/universite/presentation/histoire/histoire-de-la-manufacture-91049.kjsp.
[29] Philippe Delvit, « Une inauguration. La rénovation de l’amphithéâtre Michel Despax, mars 2017 », op. cit.
[30] Citation extraite du site disponible en ligne : https://www.pascalordonneau.com/mots-d-auteurs/citations-d-auteurs/le-corbusier-l-architecture/.